8 mai 1902 : à la Martinique, le Paradis se transforme en enfer : une éruption de la Montagne Pelée, à Saint-Pierre, détruit toute la ville et cause la mort de 29 000 personnes. Vous avez bien lu : 29 000. Autour de cet événement sans équivalent au XXe siècle, Lucas Vallerie dresse plusieurs portraits des habitants de l’île, et notamment celui de Cyparis, emprisonné pour voies de faits. Il sera l’un des seuls survivants, par la bonne grâce d’un cachot, punition alourdie qui deviendra abri miraculeux. Et son destin, après le drame, restera hors du commun...
Au-delà d’une page d’histoire qui mérite amplement ce bel et consistant roman graphique, Cyparis illustre toute une vie, celle d’une partie des Antilles, à une époque ou les poussées démocratiques trébuchaient sur le pouvoir des békés (descendants de colons blancs), tandis que la gauche séduisait les Martiniquais de souche, exigeant égalité et liberté. Vallerie donne du poids à une bonne dizaine de seconds rôles riches et variés, apportant un vent de fraîcheur au récit et nourrissant son souffle romanesque.
Outre un dessin précis et juste, bienveillant envers ses personnages, l’auteur met en scène la stupéfiante éruption avec une impressionnante maestria narrative. La double page alignant les réactions en gros plan d’une cinquantaine de personnes s’imprime immédiatement dans les mémoires.
La réussite de Cyparis, proche dans son style d’un Simon Hureau, voire d’un Stassen, s’inscrit dans la tradition désormais bien établie de la Boîte à Bulles : de l’humain, de l’histoire, de la mémoire. Un premier opus sans faute pour Lucas Vallerie qui s’est judicieusement échappé de ses foisonnantes activités dans le cinéma d’animation.
(par David TAUGIS)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.