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Entre « Doodles » et « Monstres », Marsu rend enfin justice à l’imaginaire de Franquin

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 22 octobre 2003                      Lien  
A la page 10 du {Cas Lagaffe}, un événement anodin ne passe pas inaperçu pour les amateurs de beau dessin : un monstre de Franquin apparaît pour la première fois sur les murs de la rédaction du {Journal de Spirou}. Franquin se souvient de l'avoir dessiné séparément, avant de l'intégrer à la planche.

Un monstrueux génie

C’est le début d’un bestiaire fantastique qui va émailler les gags du gaffeur, quelque chose comme un écho des Idées Noires que le génial dessinateur belge créera plus tard pour Fluide Glacial. Désormais, le lecteur sera à l’affût de ces petites créatures qui échappent au premier coup d’œil. Elles sont, pour Franquin, un exutoire à l’angoisse de devoir livrer, semaine après semaine, des pages qui atteignent -son exigence l’oblige- des sommets d’excellence. Il en fera des centaines, de ces monstres, pour son propre usage ou pour les amateurs de dédicaces chanceux qui ont pu recueillir ces instants de grâce. Saluons l’initiative des éditions Marsu-Productions qui nous proposent, dans une édition « à l’italienne » publiée à un tirage limité à 4000 exemplaires hélas, une compilation des monstruosités franquiniennes. Dans un classement fantaisiste mais drôle (les rubriques s’intitulent : « kipique », « kirigole », « kisadapte »…), ce petit peuple poilu et griffu tend vers vous un regard effaré, amusé, renfrogné, effrayé même, comme s’il prenait conscience soudain d’être surpris dans son intimité par un intrus horrible, qui serait vous, cher lecteur…

Entre « Doodles » et « Monstres », Marsu rend enfin justice à l'imaginaire de Franquin
Les "Doodles" de Franquin
Où l’on découvre l’abstraction lyrique humoristique

Et aussi les « Doodles »

Les Doodles de Franquin est un autre de ces opus crobardesques franquiniens. « Doodle », littéralement, est un mot anglais qui désigne ces griffonnages que font tout un chacun de manière semi-automatique, lors d’une conversation téléphonique. Il nous faut constater ici que la caricature confine à l’art. C’est un véritable paradoxe : la caricature est l’art de l’anecdote ; elle condense en un trait le moment trivial qui provoque le rire. L’art est à l’opposé : il fuit l’anecdote pour tendre vers l’abstraction, vers ce lieu éthéré où la sensation visuelle se résume à une expérience proprement existentielle, comme dans un frisson. La réussite de ces « doodles », c’est que Franquin réussit parfaitement à rendre drôle une abstraction. Graphiquement, il est dans la droite ligne d’un Jackson Pollock ou mieux : d’un Georges Mathieu, ce théoricien de l’abstraction lyrique. On retrouve dans ses dessins des échos des compositions enfantines de Miró ou les jeux visuels d’un Soto. Mais aucune de ces créations n’a réussi à capter cet effet subtil, impalpable et mystérieux que l’on appelle l’humour. Quand dans la préface, le graphiste Jean-Michel Folon qualifie Franquin de « dessinateur inconnu », il dit juste. Il est temps qu’on en célèbre la flamme.

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

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