En 1961, Joseph revient au village après un temps passé en Algérie . Mais l’accueil du jeune homme parti depuis plusieurs mois est loin d’être chaleureux ; beaucoup le soupçonnent d’avoir passé l’essentiel de son temps dans un bureau, loin des zones de combat. Bref, un planqué ! Dans sa famille, on lui reproche d’avoir abandonné son frère cloué dans un fauteuil roulant et son père seul face aux durs travaux de la ferme.
Dans cette campagne reculée, le retour de l’enfant du pays n’est guère apprécié par une population bornée et enfermée dans ses certitudes et les idées reçues. Seule exception, René le cafetier dont le fils n’est pas encore rentré fait partie des rares villageois ayant gardé de l’affection pour le jeune militaire. Plus traité en paria qu’en héros, Joseph subit les sarcasmes, les agressions des habitants mélange de haine, de provocation et sans doute de jalousie. Le « planqué » garde au fond de lui, un secret dont la révélation va bouleverser bien des idées reçues !
La guerre d’Algérie a déjà fait l’objet de quelques albums, mais c’est sans doute une des premières fois qu’on y aborde la difficulté du retour et tout ce qui en découle ; du stress post-traumatique aux difficultés de parler de son expérience du feu et de la guerre.
La difficile reconstruction de ce jeune appelé du contingent nous est décrite avec sensibilité en s’attardant sur les réactions excessives et cruelles de l’entourage. En laissant planer le doute sur le rôle effectif de Joseph en Algérie Philippe Pelaez ménage le suspens avec une belle efficacité. L’histoire est servie par le graphisme appliqué d’un jeune dessinateur venu d’Espagne dont c’est le premier album publié sous le label Grand Angle.
En adoptant cet angle particulier, les deux auteurs nous présentent la guerre d’Algérie et ses conséquences "à hauteur d’hommes". À partir d’un sujet bien peu mainstream, ce récit révèle un aspect des conflits souvent occultés ou totalement ignorés. Ce n’est pas le moindre intérêt de cet album bien mené, captivant et au final plutôt instructif sur les mentalités d’une époque. Ce difficile retour au pays du soldat fait l’objet d’un cahier documentaire et graphique qui conclut ce one-shot. Annoncé pour début janvier, cet ouvrage ne devrait pas passer inaperçu.
(par Patrice Gentilhomme)
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