Une catégorie de gens obtus pense que le registre de l’intime, si caractéristique de la « Bande dessinée d’auteur », n’est arrivé dans les librairies qu’à partir des années 1990 avec l’avènement du roman graphique. Or, précédemment, des gens comme Gérard Lauzier, Martin Veyron, Jean-Claude Denis ou Dupuy et Berberian avaient bien balisé le terrain, parfois à contre-courant des contraintes économiques de l’époque.
Les débuts de Jean-Claude Denis, frais émoulus des Arts décoratifs en même temps que Martin Veyron et André Juillard, se font dans Pilote en 1978, avec André le corbeau, mais c’est le petit label Futuropolis d’Étienne Robial qui publie son premier album : Cours tout nu (1979), le récit passé dans Pilote paraissant chez Dargaud l’année suivante. Ces premières contributions lui ouvrent les portes d’ (A Suivre) où il crée le personnage de Luc Leroi, une sorte d’Antoine Doinel (le personnage récurrent de Truffaut) mâtiné de Pirlouit, balloté au gré de ses aventures incertaines, fragiles et sentimentales.
Belles images d’instants éphémères
C’est la marque de fabrique de ce dessinateur, illustrateur, scénariste mais aussi musicien : un « entre-deux » de l’écriture où les personnages se modèlent sous le regard du lecteur, comme un objet dans la lumière. Dans les BD de Denis, nous ne sommes pas dans la démonstration forte et virile, mais plutôt dans la nuance et la douceur, que rendent bien un trait venu de Ligne Claire (on peut voir dans cette exposition des planches de sa « période Floc’h ») et surtout une palette de couleurs faite de demi-teintes, de camaïeux, où le bleu profond de la nuit dialogue avec l’orange du coucher de soleil sous les tropiques.
Le temps qui passe, la capture de ces instants éphémères faits de volupté forment la texture d’albums comme Quelques mois à l’Amélie, La Beauté à domicile, aux éditions Dupuis, ou encore Le Sommeil de Léo comme des Nouvelles du monde invisible ou des deux volumes de Tous à Matha chez Futuropolis dont le deuxième tome sort ces jours-ci en même temps que L’Ombre au tableau et autres histoires aux éditions Drugstore.
Une nouvelle galerie à Paris
On retrouvera ces planches au milieu d’illustrations et de grands formats réalisés pour la circonstance dans cette toute nouvelle galerie animée par Pierre-Marie Jamet, éditeur et spécialiste de la BD, qui fut longtemps le proche collaborateur de Christian Desbois : « Dans un marché qui est en pleine expansion [1], je veux faire un véritable travail de galeriste, susciter des créations avec des auteurs, les accompagner, les conseiller, et pas forcément vendre de la planche en prenant ce qu’ils ont dans leurs cartons à dessin, nous dit-il. Il y a à Paris de la place pour de vrais galeristes. Bien sûr, pour les amoureux de la bande dessinée, les collectionneurs, mais aussi pour des amateurs de beau dessin, de belles choses, et qui savent faire la différence. »
En passant, Pierre-Marie Jamet rappelle que le nom de sa galerie –la Galerie Oblique- est emprunté à une bande dessinée publiée en 1985. Nos lecteurs sauront-ils nous dire laquelle ?
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Galerie Oblique,
Village Saint Paul,
17 rue Saint Paul 75004 Paris.
Du mardi au samedi 14h - 19h.
Metro : Saint Paul,
Parking : Pont Marie.
[1] Il y a aujourd’hui à Paris environ une douzaine de galeries qui vendent des originaux de bande dessinée. Le secteur est en plein boom. Nous reviendrons bientôt sur ce sujet prochainement.
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