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2009, année érotique...

Par Charles-Louis Detournay le 11 novembre 2009                      Lien  
…voire Erotix, à en croire Delcourt qui lance donc sa nouvelle collection avec quelques rééditions des meilleurs titres du genre. Outre les éditeurs spécialisés, Glénat n’est pas à la traîne en revisitant le catalogue Albin Michel, ainsi que quelques-uns de ses propres titres-phares.

Comme nous l’évoquions au début de cette année, 2009 salue le franc retour de la bande dessinée érotique dans les bacs des librairies, après sa mise à l’index des années 1990 : que cela soit avec des albums scellés comme chez Tabou, des stickers identifiant explicitement le genre, voire des albums présentés plus sobrement dans la nouvelle collection de Delcourt.

Delcourt lance Erotix

Ainsi que nous l’expliquait le directeur de la collection, Vincent Bernière, l’éditeur de Lost Girls souhaite « exhumer certains titres phares des pornos publiés par Elvifrance dans les années 1970 » tout en publiant des inédits, ainsi que certaines rééditions de valeurs sûres, car « la pornographie goûte mal la vulgarité », ce qui, en bande dessinée, s’apparente selon lui à « un dessin moche ou un scénario nul ! ».

2009, année érotique...C’est avec les 110 pilules, chef-d’œuvre de Magnus, que cette collection s’est lancée en septembre dernier. Cette adaptation d’un récit chinois du XVIe siècle met en scène un riche propriétaire terrien découvrant le pouvoir viril de mystérieuses pilules. Malheureusement, si leur nombre est compté, la dose prescrite ne doit pas être dépassée sans envisager de conséquences funestes.
Vingt ans avant le viagra, ce récit, parfaitement équilibré entre la part dédiée à la jouissance et le drame qui se noue progressivement, est avant tout remarquable par l’extraordinaire composition de ses pages et la maestria du noir et blanc de son auteur.
Cet excellent choix pour entamer cette nouvelle collection Erotix devrait attirer le regard des éditeurs francophones vers la diverse mais courte carrière de ce maître italien, avec par exemple Nécron, ressorti dernièrement chez Cornélius.

Comme nous l’évoquions encore cette semaine, le second titre de la collection fait la part belle à un spécialiste d’outre-Atlantique, Frank Thorne et son Iron Devil. Avec ce style plus fantastique, voire psychédélique, Erotix ouvre ainsi les portes de ce genre et évite à ce nouveau label de se retrouver catalogué comme une collection de rééditions, Iron Devil n’ayant jamais été traduit en français.

C’est pourtant avec le classique des classiques qu’Erotix prend son envol, en publiant ce 18 novembre un récit incontournable : Emmanuelle. Avec Justine et Histoire d’O, il s’agit sûrement d’une des plus belles adaptations du maître italien, comptant parmi ses albums les plus reconnus. Crepax, que nous évoquions encore dernièrement dans l’exposition des Sexties toujours visible à Bruxelles, explore une fois de plus les profondeurs de la sensualité, en nous gratifiant d’un découpage hardi dont il avait le secret.
Derrière l’érotisme se cachent les autres facettes de l’auteur italien : son habileté à dessiner les animaux, son goût pour rendre le lecteur actif en jouant sur le découpage pour stimuler son aperçu de la scène, mais aussi en faisant pivoter certains textes, l’obligeant à réorienter l’album pour modifier son point de vue. Pendant cette courte union qui dure le temps d’un livre, c’est un envol vers l’inconnu, car Crepax désire casser la monotonie, pour toujours surprendre et contenter son lecteur : chaque séquence est abordée différemment, dans une sarabande d’images qui chamboule les sens. Décidément incontournable !

Comme nous le livrait Vincent Bernière, les futurs titres d’Erotix comprendront des inédits, des reprises des Elvifrance, et bien entendu quelques titres incontournables. Parmi ceux-ci, on attend impatiemment l’édition intégrale de Liz et Beth de G. Lévis, qui fera doucement écho aux aventures d’Emmanuelle, ainsi que Sam Bot de Raoul Buzzelli, et l’œuvre du classieux Leone Frollo, avec Casino et l’espiègle Mona Street. Il faudra également être attentif à la future création de Baldazzini, assisté par la plume de Bernard Joubert.

Glénat revient à l’érotisme en exploitant ses (nouveaux) classiques

Fort du rachat du catalogue BD d’Albin Michel, Glénat a fait l’acquisition d’un capital de séries érotiques qu’il aurait été dommage de ne pas exploiter. C’est ainsi que sont réédités les trois premiers tomes du sulfureux Bang Bang, accompagnés des quatrième et cinquième volumes inédits en France. Cette série de Trillo et Bernet, à qui on devait déjà les aventures de l’impitoyable tueur de la mafia Torpedo, met en scène dans la même époque un canon de beauté qui tente de se sortir de situations dangereuses en jouant admirablement de son corps. Le sixième tome sortira fin janvier.

Mais le titre tant attendu, c’est une des références de Milo Manara, le Déclic, dans lequel une célèbre icône du genre, Mme Claudia Christiani, subit les stimulations érotiques d’un petit appareil, lui faisant perdre tout contrôle d’elle-même.
Drugstore nous propose ainsi deux versions des quatre tomes composant la série : une intégrale permettant de profiter du trait généreux et précis de Manara, et une réédition couleur de chaque volume, nous gratifiant de nouvelles couvertures mais aussi de teintes malheureusement trop appuyées. [1]

Dans la préface, Manara explique qu’il avait initialement conçu ce récit sur une base humoristique : « Je cherchais à me moquer de certains moralistes [… avec un] ton léger et un peu paillard, […] en montrant que chacun de nous peut un jour se laisser emporter par ses sens. » Malheureusement, une scène présentant un jeune garçon pouvait fortement choquer, et ces six pages furent retirées de la version française [2]. Les éditions actuelles présentent maintenant trois des six pages censurées [3], sans que cela puisse nuire au rythme du récit ou à la bienséance. « Au contraire », conclut Milo Manara, « cela a contribué à la linéarité et à l’ambiance générale du récit. »

Limiter la production érotique de Jacques Glénat à l’ancien catalogue Albin Michel, ce serait passer outre de grands noms qu’il a fait connaître, en particulier celui de Pichard. Maître de l’opulence et expert dans le dessin de jeunes filles en guenilles, Pichard nous a livré de petits bijoux parfois humoristique comme Blanche Épiphanie scénarisée par Jacques Lob, parfois plus libérée avec Paulette sous la plume de Wolinski [4]. Toujours chez Glénat, la collection Mille Feuilles lui rend hommage en ressortant l’intégrale de Marie-Gabrielle de Sainte Eutrope, une femme emportée par sa passion, et contrainte à subir mille tortures pour expier sa faute. Inutile de dire que l’ouvrage s’adresse aux adultes et connaisseurs avertis qui seront ravis de trouver la seconde partie de ses aventures en Orient, réputée introuvable.

Toujours dans un registre SM, rappelons que Drugstore réédite la Correction, illustrée par Alex Varenne, dont nous avions récemment fait état. L’intégrale d’Erma Jaguar est promise pour la fin 2010.

Dynamite et Tabou : des éditeurs spécialisés

Outre ce ‘retour’ de grands éditeurs à l’érotisme, d’autres maisons plus ciblées continuent à nous proposer une belle alternance de nouveautés et de rééditions de titres épuisés.

Chez Tabou, dernier arrivé sur le marché, citons entre autres un album paru récemment : Jeux de Filles de Juan José Ryp. Si la qualité n’atteint pas encore le niveau des grands noms précités, on suit avec amusement les diverses petites histoires humoristiques qu’imagine l’auteur, mettant en scène de langoureuses femmes se soumettant à diverses caresses réciproques. Si le trait paraît parfois un peu chargé, l’auteur possède un excellent sens des volumes, ce qui donne une pleine force aux situations proposées.

Manara, Pichard, Duvet chez Tabou, Varenne, Baldazzini, Levis, Frollon, Buzzelli, Crepax, Frank Thorne, Magnus, etc. S’il manque encore quelques grands noms de la bande dessinée érotique, le fait de voir ces diverses rééditions associées aux nouveaux auteurs nous confirme la place de choix redonnée à la bande dessinée de charme.

(par Charles-Louis Detournay)

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Lire les premières pages de :
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- Du Déclic en couleurs, tomes 1, 2, 3 et 4, et l’intégrale en noir et blanc
- Marie-Gabrielle de Saint-Eutrope
- La Correction

[1Les couleurs plus sobres présentées dans les chefs d’œuvres de la bande dessinée érotique rendent plus honneur au dessin de l’auteur.

[2On peut pourtant les retrouver dans le T2 des chefs d’œuvre de la BDE.

[3Ce sont donc bien trois pages qui sont manquantes, et non pas deux planches comme indiquées dans la préface.

[4Pour la petite histoire, rappelons que Pichard dessina également la couverture du premier roman d’un certain Jean Van Hamme, Largo Winch et le groupe W, un récit qui contenait des séquences plutôt osées que dans ses bandes dessinées.

Delcourt ✏️ Magnus
 
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6 Messages :
  • 2009, année érotique...
    12 novembre 2009 10:25

    et vous avez oublié la réédition d’Epoxy de Cuvelier & Van Hamme au lombard.

    Répondre à ce message

  • 2009, année érotique...
    12 novembre 2009 13:38, par Sébastien

    Vous faites erreur concernant Irondevil, ce titre a déjà été traduit en France dans les années 90, dans les premiers numéros de la série Kiss Comics.

    Répondre à ce message

    • Répondu par Charles-Louis Detournay le 13 novembre 2009 à  08:01 :

      Merci de combler mes (nombreuses) lacunes.
      Au plaisir

      Répondre à ce message

  • 2009, année érotique...
    14 novembre 2009 19:34, par Oncle Francois

    Je suis quand même assez déçu par le manque d’ambition de tous ces éditeurs. Bien évidemment, les titres proposés sont de qualité, mais il s’agit exclusivement de rééditions d’oeuvres françaises déjà publiées chez d’autres éditeurs par le passé, parfois devenues difficiles à trouver je vous l’accorde, mais je suis persuadé que vos lecteurs majeurs en 1968 ont pu se les procurer à l’époque de leur parution.

    Pour le reste, il s’agit de traductions de matériel publié aux Etats-Unis, en Italie ou en Espagne.

    Il n’y a qu’à voir l’affolement créatif dont font preuve les grandes maisons dés que leurs experts en marketing ont cru flairer un créneau porteur (histoires de pirates, ésoterisme,période 1939-1945, confessions de style autobiographiques, biopic). Pourquoi dans le cas de l’érotisme n’y a t’il aucun effort réel de création (à part le dernier Zep qui traite le sujet avec humour) ?

    Répondre à ce message

    • Répondu par le bandard fou le 6 avril 2010 à  13:10 :

      Pour les nouveautés en ce domaine, il faut voir du côté des petits éditeurs découvreurs de talents, qui en plus prennent des risques :
      Ange, Dynamite, Tabou ...

      Répondre à ce message

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