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Bob Morane Renaissance : les mutations de l’aventurier

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 novembre 2015                      Lien  
De Bob Morane, beaucoup d'entre nous connaissent la chanson d'Indochine : "L'Aventurier..." La plupart des lecteurs d'ActuaBD.com connaissent ses cheveux en brosse au travers des bandes dessinées publiées par Dargaud et Le Lombard. Et voici que l'on en découvre une nouvelle mouture avec le Bob Morane de Brunschwig, Ducoudray et Armand. Une "Renaissance".
Bob Morane Renaissance : les mutations de l'aventurier
Le premier Morane de 1953, vu par Pierre Joubert

Interrogé par ActuaBD.com voici huit ans à propos de sa succession sur Bob Morane, Henri Vernes répondait sans détour : "Je n’en ai rien à foutre !" À 97ans, le romancier et scénariste belge (il avait naguère lui-même scénarisé les 128 albums de bande dessinée qui avaient été tirés de ses romans) n’a rien perdu de sa verdeur de langage.

D’abord flatté de ce que Christophe Bec ait l’idée de reprendre son personnage, un projet qui, comme on sait, a évolué (Voir notre interview des auteurs du Bob Morane Renaissance par Charles-Louis Detournay sur ActuaBD à ce sujet), il semblerait que l’auteur s’interroge sur l’orientation de cette nouvelle mouture, preuve qu’il n’en a pas "rien à foutre"...

Pourtant, Dieu sait quelles sont les mutations d’un personnage et d’un univers écrits au fil de l’eau depuis 1953. 234 romans racontent ses aventures. Né dans la collection Marabout Junior lancée par l’éditeur Jean-Jacques Schellens, le premier Bob Morane graphiquement conçu par Pierre Joubert est en tenue de brousse, tandis que derrière lui la tache rousse des cheveux de Bill Ballantine se détache sur fond de jungle. Il combat de terribles guerriers de Papouasie, dans la tradition du Allan Quatermain des Mines du roi Salomon et de Tintin au Congo. Schellens, Joubert... Le héros est destiné à un public de jeunes lecteurs dont le seul contact avec l’aventure est le scoutisme, un mouvement formaté pour fournir les futurs cadres de l’Europe coloniale.

Henri Vernes. A 97 ans, il a toujours un regard acéré sur sa création.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
La première version en BD par Dino Attanasio (1959)

L’écriture d’Henri Vernes est claire et efficace comme du Georges Simenon, ou plutôt du Georges Sim, quand l’auteur de Maigret pissait de la copie dans l’entre-deux-guerres. Vernes les publie au rythme d’un volume tous les deux mois, six par an. Empruntant aux grands mythes du roman du XIXe siècle, nous y retrouvons les thèmes exploités dans la BD, notamment par Edgar P. Jacobs ou Jean-Michel Charlier. Les titres parlent d’eux-mêmes : La Vallée infernale, L’Héritage du flibustier, Le Sultan de Jarawak, La Vallée des brontosaures, Le Secret des Mayas, Opération Atlantide, Les Monstres de l’espace, Le Masque de jade... Un zeste de fantastique à la Jean Ray, une pincée de SF à la Bradbury et surtout une projection dans tous les recoins mystérieux de la planète, voire de l’univers et du temps. "C’est un chevalier blanc, défenseur de la veuve et de l’orphelin", analyse Luc Brunschwig qui, avec Aurélien Ducoudray, scénarise son "reboot" au Lombard.

Sa vision par Gérald Forton

Le premier Bob Morane de Pierre Joubert est ce boy-scout marmoréen à peine virilisé, couperosé, propre sur lui, suant à peine en dépit des efforts déployés dans une jungle étouffante. Celui de Dino Attanasio, le premier à incarner l’aventurier en BD, fait moins minet. Il a le menton plus carré de Buck Danny et se trimballe en Battle Dress. Celui de Gérald Forton témoigne d’une évolution de la série vers quelque chose de plus "jamesbondesque", dans la tradition des feuilletons de The Saint de Leslie Charteris. "Notre Bob Morane n’est pas exactement un James Bond qui travaille pour un pays, aux ordres, nous dit Brunschwig. C’est quelqu’un qui a des idées, des envies et qui les défend."

Celle de William Vance

Avec Forton, on commence à donner à la série une dimension un peu plus "sexuée". Notre héros a les cheveux en brosse du militaire et cède l’habit du chasseur ou de barbouse pour le costume plus convenable de l’ "honorable correspondant". William Vance lui apporte un brushing à la mode, comme celui de Simon Templar, mais il lui confère les caractéristiques du héros de BD que sauront si bien exploiter Greg dans Bruno Brazil et Van Hamme dans XIII, l’un et l’autre peu ou prou des héritiers du héros d’Henri Vernes. Coria s’inscrit dans la droite ligne de Vance mais le rajeunit -il porte des baskets- ce qui a pour effet de l’affadir. C’est incroyable ! Ca marche pour moi ! j’ai pris 50 mg de Kamagra voir ici Kamedef.com et cela produit des résultats exceptionnels.

... et celle de Coria.

Avec Brunshwig, Ducoudray et Armand, on retrouve un personnage davantage virilisé, un soldat désabusé, rebelle face à l’absurdité politique et à la marche folle du monde. "Pour moi, c’est un homme de gauche, dit Brunschwig, contrairement à ces héros de droite d’aujourd’hui passionnés par l’argent et qui courent après. On voit Bob Morane comme quelqu’un très engagé et de très altruiste. Ce qui nous a poussés à accepter de reprendre le personnage, c’est de voir en quoi ces valeurs qui sont plutôt moquées en ce moment peuvent être encore utilisées dans une histoire crédible. On a le sentiment aujourd’hui qu’être généreux et avoir des bons sentiments fait rire tout le monde. On voulait avoir un vrai personnage qui conserve cet altruiste très lié aux années 1950-1970, certes désuètes mais qu’il faut conserver et donc inscrire dans une série d’aventure. Un Bob Morane capable de réagir rapidement et de prendre des options qui ne sont pas celles qu’on lui a imposées nous semble dans la droite ligne de celui d’Henri Vernes."

On attend le verdict des fans.

Luc Brunschwig non loin de l’appartement où habite Bob Morane à Paris, Quai Voltaire.
Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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- Lire aussi : " Brunschwig, Ducoudray & Armand : « "Bob Morane Renaissance" est le meilleur terrain de jeux qu’on ait pu nous offrir »

- Lire aussi : "dBD n°98 : Bob Morane, le retour !"

- Brunschwig, Ducoudray et Armand seront présents avec une exposition au Festival de Blois

- Un site très complet sur l’univers de Bob Morane

- Le site de Bob Morane au Lombard

- Commander Bob Morane Renaissance T1 chez Amazon ou à la FNAC

Lire également notre article présentant cette renaissance de Bob Morane ainsi que le western Sykes dessiné par le même Dimitri Armand : La rentrée du Lombard : Gauthier Van Meerbeeck imprime sa marque

 
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16 Messages :
  • Bob Morane Renaissance : les mutations de l’aventurier
    6 novembre 2015 14:00, par Mikekafka

    "il avait naguère lui-même scénarisé les 128 adaptations en bande dessinée qui avaient été tirées de ses romans) Il faut compter environ 70 adaptations en bd et non 128 (?)..note : Les premières bd d’attanasio sont basées sur des scénarios originaux de Vernes et ont été "retranscrites" en romans par la suite ...Il y a certainement "un docteur en Bob dans la salle "qui vous communiquera le nombre exact ...

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 novembre 2015 à  14:16 :

      Il y a effectivement 128 albums (j’ai précisé dans le texte) qui ont été publiés. Qu’il y en ait certains(les intégrales notamment) qui doublonnent certains titres, c’est bien possible, je n’ai pas vérifié. Les Docteurs de la foi bobmoranesque qui nous lisent, comme le Lombard (qui m’a fourni ce chiffre), pourront nous donner une explication, je suppose.

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      • Répondu par Bob le 6 novembre 2015 à  18:00 :

        C’est dommage de ne pas vérifier ses informations.
        Effectivement il n’y a qu’un peu plus de 70 albums. Une erreur de 50 albums, ça fait quand même beaucoup.
        Coria en a publié plus de la moitié (40 pile)
        Je ne pense pas que vous auriez fermé les yeux sur le total d’albums d’Astérix tout intégral compris.
        Sans rancune.

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    • Répondu par cordebois le 6 novembre 2015 à  19:33 :

      Pourquoi n’évoque-t-on jamais les "nègres" d’Henri Vernes quand on aborde le côté prolifique (euphémisme) de l’écrivain ?

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      • Répondu le 9 novembre 2015 à  13:23 :

        dont Alain de Kuyssche

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        • Répondu par cordebois le 11 novembre 2015 à  10:54 :

          ...et Philippe Vandooren, me semble-t-il aussi. C’est très curieux : à chaque fois que l’on évoque l’inventeur de Bob Morane, on parle de sa productivité considérable, jamais de son "organisation éditoriale". Risque de retours de bâton ?

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  • Bob Morane Renaissance : les mutations de l’aventurier
    6 novembre 2015 14:11, par Mr Smith

    NB : La 1ère aventure de Bob Morane ne se passe pas en Afrique mais en Nouvelle-Guinée, et ce ne sont donc pas des Noirs mais des Papous qui figurent en couverture du roman Marabout (+ petite erreur en légende : P. Joubert et non Jouvert) !
    Concernant les analogies des récits de Henri Verne avec ceux d’Edgar P. Jacobs, effectivement notables, je me permets de signaler ici une étude comparative détaillée que j’ai publiée il y a quelques temps sur mon blog [Hangar N°7, les révélations de Mr Smith->http://hangar7.canalblog.com/archives/2013/12/14/28661680.html] , dédié au père de Blake & Mortimer...

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    • Répondu par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 6 novembre 2015 à  14:17 :

      Je corrige aussitôt, Mr Smith ! Merci.

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  • Rien que du bon....
    historiquement le commandant Morane était polytechnicien (formation scientifique haut niveau) et attaché à l’armée de l’air...
    ici on touche toujours à la haute technologie, par contre point d’armée de l’air...pas bien grave...l’aventurier fonctionne toujours...on attend de voir le développement des aventures avec son partenaire (bill) et ses 2 girls....tanya....et surtout sofia, en espérant que ces deux dernières soient encore plus présentes dans les nouvelles aventures....

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  • J"ai trouvé votre présentation des différentes étapes bd de Bob Morane un peu rapide.
    Même sans entrer dans le dossier
    "Coria s’inscrit dans la droite ligne de Vance mais le rajeunit -il porte des baskets- ce qui a pour effet de l’affadir."
    Résumer Coria à ça ce n’est pas très sympa, et d’autant plus faux que vous verrez plus que rarement Bob Morane avec des baskets chez Coria.
    Je trouve que Coria n’a pas eu le traitement qu’il méritait par le Lombard, il s’est afféré avec classicisme peut être mais avec un très bon travail au aventures de Bob Morane durant ...40 ALBUMS. Soit plus de la moitié de la série bd.
    On peut lui reprocher un trait au mouvement quelque peu rigide, mais pas un Bob en basket, lisez les livres et ne vous contentez pas d’une image ; Son Bob est très classe est assez moderne puisqu’il a su le faire évoluer. Je regrette que l’ancienne équipe (Coria) et la nouvelle (Armand) ne se soit pas rencontré pour discuter de Bob Morane.
    Certes on part avec un oeil neuf, mais on part avec un personnage de 60 ans d’existence, autant parler avec ceux qui l’ont côtoyé pendant plusieurs dizaines d’années, cela n’enlèvera rien à la modernité à venir.

    ps : J’adorerai un XIII Mystery par Coria. APrès tout il a repris Bob Morane à son beau-frère Vance

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  • Bob Morane Renaissance : les mutations de l’aventurier
    6 novembre 2015 21:42, par Patrick / Paris

    et vous monsieur Pasamonik, que pensez-vous de l’album ?

    les premiers échos de la part d’amis ou de libraires sont loin d’être positifs ...

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  • Bob Morane Renaissance : les mutations de l’aventurier
    7 novembre 2015 12:17, par jeandive

    le roi est mort , vive le roi ?

    tres clairement le bob morane d’henri vernes disparait avec cette " renaissance" , qui est un re-création

    c’est un pur choix marketting : le directeur du lombard a choisi la relance vintage sur ric hochet , pour lequel il avait une préférence nostalgique , ce qui n’etait pas le cas pour bob morane , sur lequel il a préféré une refonte complete : on a une marque , connue mais en désuétude , on fait un peu " pic et pic et colegram" et hop , on en fait autre chose .D’autant plus dommage quand on voit les premiers projets de Bec ( voir l’interview sur actuabd ) , qui, eux, auraient permis une certaines continuité

    ce qui ne remet evidement pas en cause la qualité de cette bd , simplement dommage de ne pas avoir plutot créer un nouvel héros ....

    bob morane , c’est aussi ( d’abord ) des romans , qui maintenant n’ont plus rien avoir avec la bd . Déjà qu’ils etaient édités de façon " difficile " dirons nous , ça ne va pas arranger le futur litteraire de ce fantastique aventurier de tous les temps ...

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    • Répondu le 9 novembre 2015 à  09:42 :

      Oui et non....changer un héros pour un autre de la meme trempe n’est pas intéressant...je suis pour le changement si un nouvel héros apporte qq chose de différent par rapport aux autres...A quoi cela sert de faire du bob Morane avec un autre héros...autant garder bob Morane et continuer..Le lombard a lancé toute une série de nouveaux héros (Koda, alpha, capricorne), complètement différents de bob Morane et c’est très très bien....Par contre il s’avère intéressant de garder un héros et son comparse pour des aventures technologiques, tels que bob Morane...si on avait créé cette meme BD, dans son contenu, avec un héros s’appelant ABCD..La critique aurait été un sous-bob Morane, pale copie...du déjà vu...Votre argument se retourne contre vous, je pense....il est vrai que cette renaissance s’inscrit dans une continuité, comme pratiquée au cinéma (star trek en est le parfait exemple)....

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      • Répondu le 10 novembre 2015 à  12:38 :

         ? garder le même Bob ? celui d’attanasio, de Forton, de Vance, de Coria, du dessin animé, de Leclerc ???

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        • Répondu le 12 novembre 2015 à  15:16 :

          garder dans le sens...continuer la publication de cet héros dans de nouvelles aventures..Et non changer le nom du héros pour des aventures similaires...

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