Interrogé par ActuaBD.com voici huit ans à propos de sa succession sur Bob Morane, Henri Vernes répondait sans détour : "Je n’en ai rien à foutre !" À 97ans, le romancier et scénariste belge (il avait naguère lui-même scénarisé les 128 albums de bande dessinée qui avaient été tirés de ses romans) n’a rien perdu de sa verdeur de langage.
D’abord flatté de ce que Christophe Bec ait l’idée de reprendre son personnage, un projet qui, comme on sait, a évolué (Voir notre interview des auteurs du Bob Morane Renaissance par Charles-Louis Detournay sur ActuaBD à ce sujet), il semblerait que l’auteur s’interroge sur l’orientation de cette nouvelle mouture, preuve qu’il n’en a pas "rien à foutre"...
Pourtant, Dieu sait quelles sont les mutations d’un personnage et d’un univers écrits au fil de l’eau depuis 1953. 234 romans racontent ses aventures. Né dans la collection Marabout Junior lancée par l’éditeur Jean-Jacques Schellens, le premier Bob Morane graphiquement conçu par Pierre Joubert est en tenue de brousse, tandis que derrière lui la tache rousse des cheveux de Bill Ballantine se détache sur fond de jungle. Il combat de terribles guerriers de Papouasie, dans la tradition du Allan Quatermain des Mines du roi Salomon et de Tintin au Congo. Schellens, Joubert... Le héros est destiné à un public de jeunes lecteurs dont le seul contact avec l’aventure est le scoutisme, un mouvement formaté pour fournir les futurs cadres de l’Europe coloniale.
L’écriture d’Henri Vernes est claire et efficace comme du Georges Simenon, ou plutôt du Georges Sim, quand l’auteur de Maigret pissait de la copie dans l’entre-deux-guerres. Vernes les publie au rythme d’un volume tous les deux mois, six par an. Empruntant aux grands mythes du roman du XIXe siècle, nous y retrouvons les thèmes exploités dans la BD, notamment par Edgar P. Jacobs ou Jean-Michel Charlier. Les titres parlent d’eux-mêmes : La Vallée infernale, L’Héritage du flibustier, Le Sultan de Jarawak, La Vallée des brontosaures, Le Secret des Mayas, Opération Atlantide, Les Monstres de l’espace, Le Masque de jade... Un zeste de fantastique à la Jean Ray, une pincée de SF à la Bradbury et surtout une projection dans tous les recoins mystérieux de la planète, voire de l’univers et du temps. "C’est un chevalier blanc, défenseur de la veuve et de l’orphelin", analyse Luc Brunschwig qui, avec Aurélien Ducoudray, scénarise son "reboot" au Lombard.
Le premier Bob Morane de Pierre Joubert est ce boy-scout marmoréen à peine virilisé, couperosé, propre sur lui, suant à peine en dépit des efforts déployés dans une jungle étouffante. Celui de Dino Attanasio, le premier à incarner l’aventurier en BD, fait moins minet. Il a le menton plus carré de Buck Danny et se trimballe en Battle Dress. Celui de Gérald Forton témoigne d’une évolution de la série vers quelque chose de plus "jamesbondesque", dans la tradition des feuilletons de The Saint de Leslie Charteris. "Notre Bob Morane n’est pas exactement un James Bond qui travaille pour un pays, aux ordres, nous dit Brunschwig. C’est quelqu’un qui a des idées, des envies et qui les défend."
Avec Forton, on commence à donner à la série une dimension un peu plus "sexuée". Notre héros a les cheveux en brosse du militaire et cède l’habit du chasseur ou de barbouse pour le costume plus convenable de l’ "honorable correspondant". William Vance lui apporte un brushing à la mode, comme celui de Simon Templar, mais il lui confère les caractéristiques du héros de BD que sauront si bien exploiter Greg dans Bruno Brazil et Van Hamme dans XIII, l’un et l’autre peu ou prou des héritiers du héros d’Henri Vernes. Coria s’inscrit dans la droite ligne de Vance mais le rajeunit -il porte des baskets- ce qui a pour effet de l’affadir. C’est incroyable ! Ca marche pour moi ! j’ai pris 50 mg de Kamagra voir ici Kamedef.com et cela produit des résultats exceptionnels.
Avec Brunshwig, Ducoudray et Armand, on retrouve un personnage davantage virilisé, un soldat désabusé, rebelle face à l’absurdité politique et à la marche folle du monde. "Pour moi, c’est un homme de gauche, dit Brunschwig, contrairement à ces héros de droite d’aujourd’hui passionnés par l’argent et qui courent après. On voit Bob Morane comme quelqu’un très engagé et de très altruiste. Ce qui nous a poussés à accepter de reprendre le personnage, c’est de voir en quoi ces valeurs qui sont plutôt moquées en ce moment peuvent être encore utilisées dans une histoire crédible. On a le sentiment aujourd’hui qu’être généreux et avoir des bons sentiments fait rire tout le monde. On voulait avoir un vrai personnage qui conserve cet altruiste très lié aux années 1950-1970, certes désuètes mais qu’il faut conserver et donc inscrire dans une série d’aventure. Un Bob Morane capable de réagir rapidement et de prendre des options qui ne sont pas celles qu’on lui a imposées nous semble dans la droite ligne de celui d’Henri Vernes."
On attend le verdict des fans.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Un site très complet sur l’univers de Bob Morane
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