Celui que tu aimes dans les ténèbres - Par Skottie Young & Jorge Corona - Urban Comics

Ro Meadows, une peintre qui rencontre tout juste le succès dans sa carrière naissante, se retire dans une gigantesque demeure pour trouver sa voie et de nouvelles inspirations. Grandes verrières, style manoir gothique à l’ancienne, parquet d’époque... Mais la vraie plus-value du bien, c’est le soi-disant fantôme qui hanterait les lieux. Quoi de mieux qu’un peu de compagnie surnaturelle pour stimuler l’inspiration, pas vrai ?

Seulement c’est une chose de braver les superstitions en ne croyant qu’à moitié à ces histoires d’ectoplasmes, c’en est une autre de faire face à un vrai et authentique revenant. Enfin vrai et authentique, ça reste à déterminer... Et si Ro n’était en fait qu’en train de devenir folle ?

J’ignore si tu perds la tête ou non, mais moi... j’existe

L’amour, l’art, l’horreur... Skottie Young et Jorge Corona s’aventurent loin des plates-bandes qu’on leur connaît avec leur autre collaboration-phare Middlewest, un étrange conte initiatique au cœur de la campagne américaine. Avec Celui que tu aimes dans les ténèbres (dont le titre original, The me you love in the dark, a un je ne sais quoi d’ensorcelant), les auteurs nous proposent un récit plus adulte et beaucoup plus sombre, une tranche de vie dont le personnage ressort avec des cicatrices et le lecteur avec un malaise certain.

L’intrigue de déroule de manière très fluide et spontanée, on s’attache vite à Ro et son "compagnon" pour voir progressivement leur relation évoluer vers un dénouement brûlant (au sens littéral). La BD joue surtout sur l’angoisse des situations et sur une horreur d’atmosphère, plutôt que sur du gore et de la violence gratuite (même si une scène particulière nous réserve sa dose d’hémoglobine, âmes sensibles s’abstenir).

Au niveau dessin et graphisme en général, Corona emploie très bien son style brut voire brutal, fait de traits écorchés et de couleurs débordantes. Son utilisation de la musique est très personnelle et efficace, il parvient à incarner les morceaux physiquement dans le récit et à les y intégrer comme un personnage supplémentaire. Et le final est un vrai moment de bravoure dans lequel il déploie toute sa maestria.

Celui que tu aimes dans les ténèbres est une nouveauté intéressante d’Urban Comics, sans doute pas la sortie la plus marquante de l’éditeur en cette rentrée littéraire, mais qui vaut le détour. On la recommandera surtout aux amateurs aguerris de thrillers horrifiques et de fantômes. Si par exemple vous avez accroché à Infidel, vous pouvez foncer les yeux fermés (mais ouvrez-les quand même de temps en temps, juste au cas où...).