Rappelez-vous : le colonel de sa très gracieuse majesté, retraité du MI5, pensait passer des jours heureux à parfaire sa pelouse sous l’œil attendri de sa gouvernante Miss Partridge, mais son créateur, le génial Raymond Macherot avait décidé, de son pinceau habile, de lui faire vivre des aventures trépidantes et très éprouvantes pour son flegme légendaire, à New York ou à la poursuite au service d’un réseau de malfaisants espions, entre 1959 et 1963. Puis il l’abandonna deux ans plus tard pour animer rats et souris entre Tintin et Spirou, by Jove !
Le vaillant militaire, scout toujours prêt, reprit le service au service de la Couronne en 1969, sous le crayon de Jo-ël Azara sur un scénario de Greg. Et là encore, cela se conclut par un breakdown.
Heureusement, dès l’année suivante, Turk & Degroot sortent de Dubois, encore un peu frais, pour en assurer la suite des aventures du fougueux Britannique. Entre 1970 et 1984, le duo au Génie Léonard (créé pour sa part en 1972) en assure huit nouvelles aventures, juste entrecoupées d’un épisode dessiné avec l’aide de Walli. Ils renouvellent complètement l’univers créé par Macherot.
Le dessin burlesque, mais tout en understatement, de Turk, l’ancien assistant de Greg, s’accorde parfaitement à l’humour frenchy, jamais avare de calembours, de Bob De Groot, mais les aventures de Léonard absorbent le dessinateur qui ne peut plus tenir le rythme. Bédu reprend avec brio le dessin pour sept tomes, toujours sur scénario de De Groot (mais il réalise seul les trois derniers tomes auxquels il contribue). Puis c’est au tour de Michel Rodrigue de prendre le relais graphique pour quatre nouveaux tomes, le dessinateur de la dernière mouture de Cubitus scénarisant là encore le dernier tome lui-même.
Huit ans passent, Héron mélomane est-il oublié ? Hé, non : l’un des scénaristes les plus bankables de sa génération décide, après avoir sauvé de l’oubli un autre détective, Ric Hochet, de réhabiliter ce joyau de la Couronne britannique. Le fin limier apprécié par le Yard est cette fois confronté à une intrigante épidémie : d’honnêtes citoyens de Sa Majesté se mettent subitement à rouler à droite, Shocking isn’t ?
Comme pour le détective en tweed, Zidrou arrive parfaitement à se glisser dans la peau du personnage. Multipliant les allusions à la situation du Royaume Uni en Europe ("Dieu, dans son infinie sagesse, n’a pas créé l’anglais sur une île pour qu’il termine comme un vulgaire continental"...), il en fait une comédie fraîche comme une Xmas tale. Quant à Turk, il est au top de sa forme, better than ever. Bref, ce 22e album est un des meilleurs Clifton que l’on ait lu depuis longtemps.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion