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Conférence de Akinari Asakura et Takeshi Obata

Par Malgorzata Natanek le 14 octobre 2023                      Lien  
À l’occasion des débuts de la série Show-ha Shoten en France, les éditions Kana avaient invité ses deux auteurs, Akinari Asakura (scénariste populaire au Japon) et Takeshi Obata (dessinateur connu notamment pour ses dessins dans Death Note et Bakuman). Le manga qu’ils proposent raconte avec humour l’histoire d’un duo de lycéens qui se lancent dans le manzai, un duo de comédie comique typiquement japonais, semblable au tandem occidental du Clown et l'Auguste ou de Laurel et Hardy.

Nous avons pu en découvrir plus sur cette œuvre et sur le travail des auteurs lors d’une petite conférence organisée au GOKU Comedy Club, un lieu réputé pour le stand-up et qui se prêtait à la thématique de Show-ha Shoten. L’animation a été confiée à l’humoriste Yacine Belhousse, un choix pertinent. Il a mené l’échange avec humour et intérêt et c’est l’interprète Misato Raillard qui s’est chargé de la traduction.

Conférence de Akinari Asakura et Takeshi Obata
Show-ha Shoten couverture
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Le manzai [1] est basé sur le rythme, comme dans toute comédies. Donnez-vous des consignes précises de découpage pour Show-ha Shoten ? Fournissez-vous des nemus (esquisses) à M. Obata ? Comment se déroule la construction des planches ?

Akinari Asakura : Je discute des nemus avec M. Sawada qui est mon tantô (éditeur) attitré. Nous nous mettons d’accord sur l’avancée de l’histoire et je rédige le nemu que je lui envoie. Ensuite, il le remet à M. Obata qui le découvre.

Vous êtes un auteur de romans. Vous êtes passé de l’écriture de romans à l’écriture de scénario de manga. Est-ce qu’il y a un traitement particulier dans la manière d’écrire pour le manga ?

Akinari Asakura : Entre le roman et le manga, il y a des points communs dans la manière de raconter une histoire. Ce qui est différent dans le manga, c’est qu’on transmet aussi par le dessin, ce qui est une force. Par exemple, si je dois expliquer le caractère d’un personnage dans un roman, je vais le faire avec du texte (ce qui est plus facile) alors que dans le manga, il faut aussi passer par le dessin pour cela. Toutefois, je n’ai pas la compétence graphique pour le faire. Montrer par le dessin est quelque chose de nouveau pour moi, donc je dois faire et réfléchir autrement.

À la fin du tome 1, vous écrivez qu’enfant, vous hésitiez entre le métier d’auteur et le métier d’humoriste. Pourquoi avoir plutôt choisi la carrière d’auteur ?

Akinari Asakura : Il faut savoir que je suis très stressé par ce genre de situation (être face à un public) est la tension présente me posait problème. De plus, j’aime beaucoup l’humour, mais je préfère raconter et écrire des histoires. Il faut également dire que je n’étais pas assez drôle.

Show-ha Shoten planche
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Show-ha Shoten explique les règles élémentaires du manzai, et notamment les postures et les mimiques des comédiens. Où avez-vous trouvé les inspirations pour réaliser les mimiques ? Avez-vous regardé beaucoup de show de manzai à la télévision ou avez-vous plutôt fait des recherches sur Internet ?

Takeshi Obata : J’aime ce qui est drôle, mais je ne suivais pas particulièrement tous les artistes avant de travailler sur ce manga. Je me suis mis à me renseigner et regarder des spectacles, dans le cadre de la création de cette œuvre. En revanche, je ne me réfère pas à une personne en particulier. Parfois, en dessinant, je ne sais vraiment pas quelle pose pourrait prendre tel ou tel comédien et c’est là que M. Asakura est d’un grand secours. En effet, je lui demande de prendre les expressions ou les poses d’un personnage et ça m’aide beaucoup. Donc mon référent, c’est M. Asakura.

Show-ha Shoten planche
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Dans le cadre de l’écriture de ce manga sur le manzai, qui est un thème où il y a beaucoup de choses à apprendre, est-ce que vous pensez aux lecteurs japonais d’abord ou bien êtes-vous ouverts aux lecteurs extérieurs pour qui le monde du manzai n’est pas forcément connu ?

Takeshi Obata : Effectivement, j’écris pour le lectorat japonais, mais comme les lecteurs étrangers lisent aussi le manga, nous sommes contents. Même si le manzai est différent, j’espère que les lecteurs étrangers comprendront le côté amusant et qu’ils remarqueront certains aspects de la culture japonaise.

Chaque duo de comédiens que vous dessinez a un style particulier. Est-ce que vous essayez d’insuffler le tempérament du personnage dans son chara design  ? Ou au contraire faites-vous plutôt un chara design qui peut nous induire en erreur pour nous surprendre ?

Takeshi Obata : En fait, M. Asakura me remet les nemus avec des indications sur les personnages. Il me montre un peu par le dessin ce qu’il veut. J’assaisonne le tout en y mettant un peu ma touche personnelle. Pour ce qui est du choix des tenues vestimentaires, elles sont créées de manière à ce qu’elles puissent exprimer le caractère du personnage.

Show-ha Shoten planche
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Cela fait plus de trente ans que vous dessinez. Est-ce que vous continuez à apprendre des nouvelles manière de faire, ou bien des nouvelles mise en page ? Si c’est le cas, qu’avez-vous appris encore récemment en travaillant sur Show-ha Shoten ?

Takeshi Obata : Pour Show-ha Shoten, ce que j’ai appris, c’est que la qualité du nemu de M. Asakura est formidable. Jusqu’à présent, je n’avais jamais lu de manga sur le manzai avec un tel découpage. C’est vraiment très bien fait et pour moi, c’est une découverte.

Vous avez travaillé sur des sujets très différents au long de votre carrière. Comment choisissez-vous les projets sur lesquels vous travaillez ? La façon d’aborder une œuvre, diffère-t-elle en fonction de l’univers que vous mettez en scène et de l’auteur ?

Takeshi Obata : Il faut avant tout que l’œuvre originale soit intéressante. Une autre chose importante, c’est que l’inspiration de l’œuvre originale soit en accord avec la mienne. Dans le cas de Show-ha Shoten c’était parfait.
Jusqu’à présent, j’ai travaillé avec plusieurs scénaristes et bien sûr, les univers étaient différents à chaque fois. Je m’adapte au scénariste en essayant de me mettre à sa place à chaque fois en me disant : s’il dessinait, quel genre de dessin ferait-il ?

Show-ha Shoten planche
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Dans le manga, les deux héros ont des caractères très distincts l’un de l’autre. Comment avez-vous réfléchi à leur personnalité ? Est-ce que vous vous retrouvez dans le caractère d’un des deux protagonistes ?

Akinari Asakura : J’imagine que vous avez vu beaucoup de mangas différents et c’est très rare d’avoir un personnage qui dès le début sait tout faire et qui est fort. C’est plutôt une personne qu’on ne suspecte pas d’être forte, mais qui s’avère l’être et qui évolue petit à petit, ce qui va créer l’histoire. En faisant ce calcul inverse, on a réfléchi à deux personnages qui étaient dans des mondes différents et qui avaient des choses qui leur manquaient. C’est justement en se rencontrant, que leur potentiel se déployait et que ça marchait. Si on pouvait me comparer à un des deux personnages, comme je suis très timide, je serais plutôt Azemichi.

Takeshi Obata : Pour ce qui est de la création des personnages, je rejoins totalement M. Asakura sur ce sujet. Je pense que lors des représentations de spectacles à l’école, j’avais plus le rôle du boke (de l’ahuri). Même si j’avais une ou deux répliques à connaître, je n’arrivais pas à les apprendre et à saisir l’atmosphère donc je pense que je suis un peu plus comme Taiyô.

Show-ha Shoten illustration
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Pensez-vous que l’humour est suffisamment présent dans la culture ou est-ce qu’ il y a une volonté de mettre en avant la comédie en sortant cette œuvre ? Qu’est-ce que vous pensez de la place de la comédie ?

Akinari Asakura : C’est avant tout culturel. En France, on ne s’en rend pas forcément compte, mais au Japon le manzai a un succès incroyable et a une place importante. Au Japon, tout ce qui est très populaire devient un manga (comme pour le baseball ou le foot). Même s’il y a quelques titres sur le manzai, il n’y en a proportionnellement pas beaucoup par rapport à son succès réel. Cela peut s’expliquer par le fait qu’il est difficile de dessiner un manga sur le manzai. C’était un challenge de le faire. Il ne s’agissait donc pas de s’essayer à quelque chose qui n’a pas de succès, mais au contraire de créer un manga sur le manzai qui a énormément de succès au Japon.

Lorsqu’on écrit une œuvre, on dit que c’est beaucoup plus difficile de déclencher des rires plutôt que d’émouvoir, de rendre triste ?

Akinari Asakura : Oui, ce n’est pas évident de faire rire et je ne pourrai jamais dire que c’est facile de faire rire. Il s’agit de manière de faire que ce soit pour faire pleurer ou pour faire rire. Par exemple, ça va être effectivement triste si on raconte l’histoire d’une petite fille pauvre et malheureuse qui se fait tuer. Mais j’ai plutôt l’impression que c’est dur d’arriver à faire peur en ce moment. Pour ma part, j’essaie vraiment d’écrire des histoires drôles et je me bats pour y arriver.

Takeshi Obata : Concernant le rire, il faut savoir que je ne suis pas du genre à rire. D’ailleurs dans ma vie, je me suis tordu de rire peut-être seulement une ou deux fois en regardant un sketch comique à la télévision. Je pense donc que c’est difficile de faire rire quelqu’un. Ce que je trouve intéressant dans Show-ha Shoten, c’est le fait de voir des artistes se battre avec l’arme de l’humour. Ce sont des combats où il n’y a pas de pouvoirs spéciaux. C’est les expressions, le rire et les gags qui comptent et je trouve ça impressionnant.

Show-ha Shoten planche
© Akinari Asakura /Takeshi Obata / Kana

Il est souvent compliqué de transmettre la force d’un art vivant (musique, théâtre, etc.) dans un manga. Quelle est la difficulté principale pour mettre en scène de façon convaincante du manzai dans un manga ?

Akinari Asakura : Pour moi ce qui est difficile, c’est d’écrire les gags. Je m’efforce tous les jours d’en trouver qui me font rire moi-même.

Takeshi Obata : Dans ce manga, ce qui est formidable, c’est que les répliques des gags sont déjà là avec les échanges des héros. En tant que dessinateur, je dois trouver des astuces pour ne pas casser le rythme et pour que le lecteur puisse lire le manzai en une seule fois. Je dois faciliter la lecture et il ne faut pas que le dessin gêne l’avancée du sketch. Les informations principales ne sont pas dans le dessin, mais dans les répliques.

Show-ha Shoten met l’accent sur les stratégies déployées par les humoristes pour faire rire des publics très différents (la famille, des spectateurs habitués au stand-up…). Comment procédez-vous pour imaginer ces différentes méthodes ? Les avez-vous testées auparavant ?

Akinari Asakura : Depuis que je suis petit, j’avais le souhait de faire rire. Parfois, ça marchait et d’autres fois non. Je me suis demandé pourquoi à tel moment ça faisait rire et pourquoi à tel moment non. C’est en communiquant quotidiennement que j’ai expérimenté ce qui faisait rire et ce qui ne faisait pas rire. Je suis également monté sur scène en amateur, mais je n’ai pas reçu de vague de rire ! Je pense que je me suis entraîné au quotidien sans m’en rendre compte.

(par Malgorzata Natanek)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782505119227

[1Forme de comédie au Japon, qui implique généralement un duo comique : le tsukkomi, le personnage sérieux, intelligent, rationnel, et le boke, le personnage fruste, outrancier et désordonné. La plupart des blagues reposent sur des quiproquos, des jeux de mots et autres gags verbaux. (Wikipédia)

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