On ne présente plus le "King des comics", l’homme qui a su insuffler au comic-book un lyrisme inédit qui perdure jusqu’à aujourd’hui. Jack Kirby n’est pas seulement l’inventeur de Captain America, des 4 Fantastiques, des X-Men, de Thor, des Avengers, de Hulk..., excusez du peu, il est aussi celui qui en a constitué la grammaire, avec ses perspectives emphatiques, ses splash pages éblouissantes, ses relances scénaristiques malignes et ses architectures au graphisme proche de l’abstraction qui influencèrent profondément Druillet et bien d’autres auteurs de sa génération,
Kirby, c’est une légende. Hier encore à Francfort, j’entendais deux éditeurs de bandes dessinées, l’un américain, l’autre scandinave, discuter de Kirby. Il habitait, dit l’un, l’immeuble de Frank Zappa avec qui il liait une profonde amitié. Ce dernier était pressenti pour faire la musique du premier Star Wars, et venait demander conseil au "King", son voisin. Jack Kirby, qui venait, selon mon interlocuteur, de connaître une mauvaise expérience en travaillant pour George Lucas, déconseilla Zappa de travailler avec le Tycoon d’Hollywood. Et Zappa suivit son conseil... L’histoire est peut-être controuvée (je n’ai pas pris le temps de vérifier) mais elle donne toute la dimension du personnage.
Kamandi est une œuvre de maturité. Elle fait partie de l’époque où Kirby réalise la tétralogie du Quatrième Monde, dernier baroud d’honneur de Kirby chez DC Comics où il avait fait ses débuts avant de faire sa carrière chez Marvel. Il n’a plus rien à prouver, ses plus grandes créations sont derrière lui. Avec Le Quatrième Monde, il fait une œuvre personnelle qui n’a été éditée que de façon parcellaire dans nos contrées. Kamandi est de la même eau, paru de façon sporadique en France chez Artima (mais seul le numéro 59 est inédit en France, me semble-t-il) raconte l’histoire d’un jeune garçon survivant d’un cataclysme qui a bouleversé la terre.
La race humaine est retournée à l’état animal et les animaux ont pris le dessus sur les hommes. Jusqu’ici dissimulé dans un bunker où il a vécu toute sa vie, Kamandi est envoyé en surface par son grand père pour essayer de découvrir s’il reste d’autres humains civilisés. Quête difficile dans une terre où gorilles, pumas, tigres, lions et serpents se font la guerre...
Encrées par Mike Royer (qui signe la préface) et D. Bruce Berry, ces pages regorgent de trouvailles et de fantaisie. Kirby illustre cette ménagerie anthropomorphique avec un plaisir évident. La traduction de Laurent Queyssi (studio Makma) et Jérôme Wicky restitue à merveille le second degré de l’auteur qui livre, chemin faisant, sa réflexion sur la marche du monde. Album inévitable.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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