Le procédé est vieux comme la bande dessinée : c’est Agénor de la Famille Fenouillard découvrant l’Exposition Universelle de 1889 ou encore Bécassine en voyage : les Bidochon offrent le regard de l’ingénu venu de la campagne, incarnation autochtone du « bon sauvage », sur un monde pour lequel ils ne sont pas adaptés. C’est notre part réactionnaire, celle qui découvre le téléphone portable puis l’Internet comme une plaie de la civilisation.
Certes, le Français moyen ne dort pas, comme Robert, avec son béret vissé sur la tête, mais il est comme tout un chacun attiré par l’attrait de la nouveauté, appâté par le discours des publicitaires (le buzz, dirait Robert qui, pourtant, ne consulte que des catalogues en papier). La mécanique de la comédie est bien en place : Robert achète à tout va les objets les plus incongrus : la cheminée électrique réversible qui vous permet d’avoir chaud en hiver et de garder le frais en été, le revolver « repousse-chiens », le poivrier éclairant, l’oreiller cervical… Inventions sorties tout droit du concours Lépine. Raymonde est dans le rôle de la sceptique. Mais elle a tort d’affirmer que ces acquisitions sont inutiles : elles permettent d’épater les copains (dans les limites de la technologie) et d’alimenter la conversation dans le vide sidéral de la vie contemporaine.
Les Bidochon fêtent discrètement cette année leur 30e anniversaire. Ils conservent néanmoins tout le sel qui en a fait un succès populaire (les tirages oscillent entre 150.000 et 200.000 exemplaires à la nouveauté) adapté au théâtre et au cinéma. Cette libre raillerie, exempte de tout discours idéologique, est marquée du sceau de la modernité dans un registre, l’ironie, « qui se confond avec la connaissance et qui est, comme l’art, fille du loisir (Jankélévitch). Avec ce léger décalage qui nous permet de regarder en face les défauts qui sont les nôtres.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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