En dépit de son prix dispendieux (119€), si vous voulez faire vraiment plaisir à un amateur de beau dessin de bande dessinée, la collection des fac-similés Gaston Lagaffe publiés sous le label Marsu-Productions est un must.
C’est une collection à tirage limité (2200 exemplaires) en tirage de luxe dos toilé vert, et papier mat de qualité supérieure. Sa dernière nouveauté vaut le déplacement : Gaston L’Intégrale 1982-1996, soit plus de dix ans de production de l’une des plus belles périodes d’ André Franquin, vient de sortir en septembre dernier, et c’est une merveille.
Pas seulement parce que ses 154 pages en font le volume le plus complet de cette collection à ce jour, pas seulement non plus parce que ces titres s’épuisent vite et parce que le T. 1 de la collection vaut quelques centaines d’euros, mais parce cette publication est au format des planches originales. Vous ne la lirez donc pas au lit, à moins que celui-ci soit du format de celui de l’Oncle Picsou, mais vous vous perdrez des heures durant dans le dessin fabuleux, inventif, minutieux de Franquin, au plus près du génie. Un must.
Un Moustique gavé d’un sang nouveau
Ce Franquin-là, vous pourrez le comparer à celui des débuts, à l’illustrateur qui, aux côtés de ses compagnons du studio d’animation CBA, fit temporairement la Une de l’hebdomadaire belge Le Moustique que les éditions Dupuis avaient créé en 1925. L’éditeur de Marcinelle a eu la bonne idée d’en faire une anthologie dans un beau livre : Franquin, Morris, Jijé, Sempé... 200 couvertures inédites pour le journal Le Moustique (49€).
Franquin n’est pas le seul dans cette aventure : les plus grands noms du dessin y sont rassemblés, ceux qui, quelques années plus tard feront les forces vives de la BD franco-belge. Le Moustique est un hebdomadaire d’humour, augmenté quelques années plus tard d’un programme de radio "TSF", comme on disait à l’époque, et dont la parution s’était interrompue pendant la guerre. À la Libération, les dessinateurs de Spirou dont l’équipe s’étaient complétée entre-temps par Jijé et Sirius, et une bande des galapiats issus de l’animation : Morris, Franquin, Peyo et Paape. ils furent, entre 1944 et 1964, les plus grands contributeurs de cette revue qui s’inscrivait dans une tradition du dessin d’humour populaire.
Immédiatement, l’équipe fait merveille. Avec Jijé d’abord, très à l’aise, au trait facétieux, clair et bondissant, rehaussé de splendides aquarelles ; Sirius, à l’encrage au pinceau un peu plus lourd, mais qui sait dessiner les "trognes" ; Morris, d’abord sublime de rondeur et de clarté, et qui s’avère rapidement un très grand graphiste dont la qualité de la production rivalise avec celle de Jijé ; Franquin, dans la lignée de Morris, mais déjà précis et virtuose ; le jeune Will, dans la trace de Jijé, mais qui se montre très vite à l’aise dans le dessin des automobiles et des décors ; Peyo, encore maladroit mais déjà clair et expressif...
On découvre aussi des noms moins connus comme Tenas qui fera carrière dans le Mickey belge, un certain Victor Hugues ou Vic, alias Victor Hubinon, le dessinateur de Buck Danny ; Géo Salmon, compagnon de route de Franquin, Morris, Peyo et Paape dans le studio CBA...
Mais ce volume comporte aussi quelques surprises parmi lesquelles des illustrations d’Yvan Delporte que l’on découvre ici dessinateur aux côtés de...
René Goscinny, au trait très américain ; Greg, le futur dessinateur d’Achille Talon, y fait un petit tour ; Marcel Remacle, le créateur du Vieux Nick, qui signe Ted Smedley ; Bara qui se fera connaître plus tard grâce à Max l’explorateur ; Moallic, que l’on retrouvera dans Pilote ; Paul Deliège, alors lettreur dans l’imprimerie de Marcinelle, qui n’avait pas encore inventé Bobo avec Maurice Rosy ; Benoît Gillain, le fils de Jijé ; le Flamand Eddy Ryssack qui se partage ces travaux avec ceux du studio d’animation de Dupuis ; Jean Roba, bien avant Boule & Bill ; Maurice Rosy, très inspiré par Savignac, qui ne tardera pas à devenir le directeur artistique du journal, et puis surtout Sempé qui fait là ses premières grandes illustrations d’une très grande maturité et qui, pour Le Moustique, créa avec René Goscinny dans ces années-là, le célèbre Petit Nicolas. Après avoir parcouru les images, documentées avec précision par Christelle et Bertrand Pissavy-Yvernault, on a le souffle coupé : quel réservoir de talents, Dupuis n’avait qu’à se baisser ! Une magnifique réalisation !
Morris et Jean Graton
Il ne nous reste plus qu’à ouvrir L’Art de Morris de Stéphane Beaujean et Jean-Pierre Mercier (Dargaud), avec des textes lumineux de Jean-Christophe Menu, Blutch, Philippe Capart et d’autres, et une flopée d’inédits issus des archives de la famille de Morris qui s’ouvrent pour la première fois, en attendant la grande exposition qui aura lieu à l’occasion des 70 ans de Lucky Luke au Musée d’ Angoulême, du 28 janvier au 16 octobre 2016. Nous y reviendrons.
Autre beau livre d’exception : Jean Graton, Michel Vaillant et à l’aventure automobile par Xavier Chimits & Philippe Graton (Éditions Hors Collection). Là encore c’est un must pour ceux qui aiment cette bande dessinée, fleuron du sport automobile. Là encore, les documents issus des archives familiales se multiplient dessinant le profil d’un créateur déterminé, passionné de sports mécaniques, et qui trace son chemin de victoire en victoire : Michel Vaillant a été -et reste encore pour beaucoup- l’une des bandes dessinées les plus adulées dans les années 1960-1980, avec à la clé un succès international qui lui valut d’avoir son propre magazine en Allemagne.
Auteur longtemps méprisé, sans doute à cause de son succès commercial et de son étiquette de dessinateur de genre, Graton s’avère un excellent dessinateur comme en témoignent de nombreuses planches qu’il a faites dans différents registres : sportif (et pas seulement automobile), historique, biographique... Ses couvertures sont d’une efficacité redoutable et même si, forcément, certains détails font désuets, il se dégage de son travail un charme tout à fait particulier.
L’ouvrage revient notamment sur les rapports entre Jean Graton et le monde automobile. On y recense toutes les Vaillantes, des créations graphiques réalisées avec l’appui de vrais spécialistes, et parfois même des grands noms du design automobile. Là encore, c’est un volume (320 pages, 59€) qui pèse plusieurs kilos, le Père Noël a l’intérêt d’être costaud cette année !
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Commander "Gaston L’Intégrale 1982-1996" par Franquin (Marsu-Productions) chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC
Commander "Franquin, Morris, Jijé, Sempé... 200 couvertures inédites pour le journal Le Moustique" (Dupuis) chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC
Commander "L’Art de Morris" (Dargaud) chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC
Commander "Jean Graton, Michel Vaillant et à l’aventure automobile par Xavier Chimits et Philippe Graton (Editions Hors Collection)" chez Amazon
Commander ce livre à la FNAC
Participez à la discussion