Qui ne connait pas San-Antonio ? Flic de choc des polars éponymes où la langue française doit se plier aux exigences et à la verve jouissive de son auteur-narrateur, le génial Frédéric Dard.
San-Antonio, c’est avant tout des histoires pleines d’action, d’humour, de suspens et pourvues d’une très légère pointe d’érotisme, une formule qui a fait fureur dans les années soixante et dont l’impact sociologique fait penser à celui d’Astérix.
San-Antonio, c’est aussi une série qui a su évoluer, s’adaptant aux époques et aux changements de la société. Mais c’est avant tout une galerie de personnages plus truculents les uns que les autres. Que serait le commissaire sans son fidèle Béru, que les lecteurs vont même finir par préférer au personnage principal ? Alexandre-Benoit Bérurier, c’est l’amalgame des petits défauts de chacun, rassemblés dans un corps éléphantesque et multipliés au centuple. On retrouve aussi les personnages de Pinaud, le vieux flic décrépi mais toujours en service ; Jérémie Blanc, et son franc-parler envers son supérieur. Mais encore la (presque) fidèle épouse de Bérurier, la douce Berthe. San-Antonio enfin, c’est un tableau parfois tendre, parfois caricatural, parfois inquiétant de personnages dépeints avec précision. Un Maigret qui ne se prendrait pas au sérieux.
Les trognes de François Boucq
Pour faire vivre ces personnages hors de leurs lignes, il a fallu des artistes qui transposeraient ces descriptions écrites en de véritables portraits dessinés. Et ils sont nombreux : rappelons que la série a vu ses couvertures passer sous les doigts de Uzo, Michel Gourdon, Jacono, Carlo Bren, puis viennent Albert Dubout et Roger Sam, avec leurs personnages rondouillards (ces deux dessinateurs ayant surtout travaillé sur les hors séries, où Bérurier est souvent présent de façon bien plus appuyée que dans la série classique) ; suivent ensuite Wolinski, Siauve, Serre, Demoulin et Blachon.
On distingue du lot Albert Dubout, dont la verve graphique rivalisait avec les mots d’auteur de Frédéric Dard. Dubout, c’était le détail fait poète, un dessin où le regard baguenaudait avec gourmandise, traquant la trouvaille humoristique.
C’est enfin, après le dessin de Dubout, du vivant encore du créateur de la série, et avec son royal adoubement, François Boucq. Illustrateur, réalisateur, peintre, il est celui qui a réussi à rendre si réalistes, si vivants les personnages de Frédéric Dard qu’il est impossible aujourd’hui d’imaginer un Bérurier avec des traits autres que ceux dont les nombreuses couvertures de la série nous ont gratifiés.
L’originalité de Boucq, et ce n’est que justice de le voir rappelé dans cet ouvrage, c’est qu’il est le seul illustrateur à avoir réalisé toutes les couvertures des San-Antonio. Sa vision si juste des personnages s’impose assez naturellement auprès de Frédéric Dard, qui décèdera quelque temps après la parution du premier tome dessiné par le dessinateur nordiste : Napoléon Pommier,
Un titre symbolique, puisqu’il débute par une scène de couronnement, pour un Boucq impérial qui refond l’ensemble des couvertures, travail confié par Patrice Dard, le fils de Frédéric, qui continuer d’écrire les nouvelles aventures du héros créé par son père.
L’ouvrage "San-Antonio", Boucq et Dard, est une galerie de ce travail graphique, regroupant près de 150 illustrations. Il nous donne une vision globale du travail de Boucq et permet de distinguer certains détails qui ne nous ont pas sauté aux yeux quand nous achetions les tomes. Débutant par une présentation des créateurs de San Antonio, suivie d’une préface de Patrice Dard, il nous fais suivre l’évolution de la série à travers une explication sur le travail des Dard et une rétrospective des différents dessinateurs ayant travaillé sur les couvertures. Puis, viennent les illustrations de Boucq et le début de la contemplation.
Un livre imposant (192 pages), de qualité, qui ravira chaque lecteur de San-Antonio, qu’il soit un connaisseur avisé ou un jeune initié. Pour les 500 premiers acheteurs, il est offert un carnet de croquis préparatoires de Boucq pour des dessins non retenus, "Les inédits". L’occasion de découvrir ce qu’aurait pu être la couverture de certains tomes.
En marge de cet ouvrage, une exposition d’une soixantaine de dessins originaux de François Boucq sera présentée du 2 avril au 31 mai à... l’Hôtel de Police à Bordeaux !, puis au Château Lesieur à Coudekerque-Branche du 6 juin au 19 juillet.
(par Nicolas Depraeter)
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