Le Chevalier au dragon - Par E. Arioli et E. Tanzillo, Dargaud

Qu’un médiéviste intervienne comme conseiller historique sur une bande dessinée n’étonne guère, on peut évoquer la collection Ils ont fait l’Histoire, chez Glénat, avec par exemple l’intervention de Valérie Theis et Étienne Anheim sur un album portant sur Saint-Louis.

Qu’un médiéviste scénarise une bande dessinée pédagogique est également un procédé qui s’est développé ces dernières années, avec par exemple la collection L’Histoire dessinée de la France (La Découverte/La Revue dessinée), dans laquelle Sylvie Joye a écrit un scénario sur l’époque carolingienne et Florian Mazel sur l’époque féodale.

En revanche, qu’un médiéviste scénarise une bande dessinée de fiction, voilà qui est inédit, surtout quand ce scénario repose sur des manuscrits, eux-mêmes longtemps inédits.

En effet, Emanuele Arioli, maître de conférences en langues et littérature médiévales, a traqué pendant dix ans à travers les différentes centres d’archives d’Europe et des États-Unis un roman de la Table ronde « mystérieusement disparu et miraculeusement retrouvé ».

Ce texte, l’un des premiers romans arthuriens apprécié dans toute l’Europe à partir du XIIIe siècle, connut un très grand succès durant les deux derniers siècles du Moyen Âge avant de sombrer dans l’oubli, jusqu’à ce qu’Emanuele Arioli en redécouvre une version à la bibliothèque de l’Arsenal, en 2010. De cette quête érudite, le médiéviste a tiré une édition scientifique de ce texte retrouvé, mais aussi une traduction en français moderne, une adaptation dans un livre pour enfants, un documentaire produit pour ARTE et donc une bande dessinée.

Le héros de cette aventure retrouvée est Sivar, qui vit sur l’île de Non-Sachante. Fils de la sorcière Lilith, il n’a pas connu sa mère, l’enchanteur Merlin l’ayant confié dès sa naissance à des gens modestes pour le mettre à l’abri du danger, avant qu’adulte, Sivar n’aille à la rencontre de son destin au cœur du royaume de Logres, où le roi Arthur a imposé un culte unique, bannissant les anciens cultes magiques. Accompagné de deux compagnons, le fourbe Didan et le naïf Golisant, un demi-géant, il suit un dragon qu’il est le seul à voir et qui doit le conduire jusqu’au Graal.

Le choix fait par le scénariste est celui d’un récit assumant anachronismes et invention ou synthèse de différents mythes médiévaux pour aboutir à un récit de Medieval Fantasy extrêmement contemporain. Cela afin de permettre à un public à la fois jeune et large de découvrir ce personnage.

Malgré quelques maladresses dans la narration, l’album joue efficacement avec les codes du genre. Le découpage extrêmement rythmé et les couleurs très vives d’Emilano Tanzilo permettent également de rendre très actuelle cette épopée du XIIIe siècle, dans lequel on retrouve tous les ingrédients des grands récits médiévaux !