On lira dans nos pages d’actualité les différents rebondissements qui ont mené à ce triste dénouement. La décision du webmaster de se plier aux injonctions de Moulinsart est regrettable car, outre provoquer la disparition du réseau d’une source de références extrêmement riche (et beaucoup plus riche que le site officiel), il laisse croire à la validité de cette charte. Qui n’a rien de légal. Et il est bon, pour les milliers d’entre vous qui passent une partie de leurs loisirs à réaliser des sites consacrés à la bande dessinée, d’insister sur ce point.
Diverses clauses témoignent d’une complète incompréhension du fonctionnement d’Internet et sont totalement inapplicables. Si on les suit à la lettre, la quasi-totalité des pages consacrées à Tintin disparaîtront, laissant le champ libre à Moulinsart pour faire de Tintin.com l’unique site sur le sujet. Nous préférons croire que ce n’est pas là son but et que la situation actuelle n’est que la résultante d’un cocktail d’arrogance, de bêtise, d’inculture internetienne et d’interprétation avec des oeillères et une lunette déformante des résultats de procès récents liés au réseau.
Deux exemples :
Moulinsart interdit dans sa charte les bandeaux publicitaires et les systèmes d’affiliation. Or, tous les hébergements gratuits sont basés sur l’affichage obligatoire de publicités. Tous les sites hébergés gratuitement seraient donc condamnés à disparaître. Cette clause n’a pas de fondement légal. Rien n’interdit non plus un éditeur de site de faire un lien vers une boutique vendant des produits Tintin et de toucher une commission sur les ventes effectuées.
Moulinsart exige une autorisation préalable pour l’utilisation dans les balises "meta" des pages web de noms en rapport avec Hergé. Or, ces informations cachées sont utilisées par certains moteurs de recherche pour indexer ces pages. Cela reviendrait donc à ne permettre l’indexation dans ces moteurs de recherche que les pages autorisées par Moulinsart. Cette clause n’a pas de fondement légal.
On pourrait continuer les exemples. En fait, Moulinsart tente de mettre Internet au pas, mais sans en avoir la légitimité. En jouant l’intimidation. Mais cette affaire vient après bien d’autres, et cette fois, la goutte a fait déborder les claviers des Internautes, qui ont décidé de contre-attaquer. Nick Rodwell, par son attitude arrogante et méprisante, sans aucun respect pour les passionnés de Tintin, a réussi à mettre tout le monde contre lui.
Certes, ces passionnés ne constituent qu’une faible partie des clients potentiels de la machine à royalties qu’est devenue Moulinsart. Mais ce sont ceux qui achètent les produits qu’elle édite à prix d’or. Ce sont ceux qui perpétuent le mythe Tintin. Ce sont ceux qui font découvrir à leurs enfants cette bande dessinée antique qu’ils lisaient dans leur enfance et à côté de laquelle ils pourraient facilement passer, pour se tourner vers des univers plus adaptés à leur époque. Et qui l’empêchent donc de mourir comme la plupart des bandes dessinées nées dans la première moitié du siècle passé et qui n’ont plus connu de nouveauté.
Les Internautes, entre colère et dégoût, ont organisé la résistance. Nicolas Sabourin, l’ex-responsable du site défunt, appelle au boycott des produits Tintin. Pourquoi, en effet, les passionnés d’Hergé continueraient-ils à acheter ces produits qui n’ont plus rien à voir avec l’oeuvre qu’il a créée, ni avec l’esprit de celle-ci ? Et il passe dans la clandestinité : son site, fermé le 21 mai, circule désormais sous le manteau.
Les autres sites consacrés à Tintin, avec un bel ensemble, ont publié une anti-charte sur leur site, "la tintinocharte , la seule qui assurera une présence vivante de Tintin sur le web !"
On peut y lire ceci :
Je m’engage à ne pas confisquer le mythe construit par Hergé qui est une part de notre imaginaire collectif, mais au contraire à lui rendre hommage par le moyen qu’il me plaira, autant que cela contribue au bonheur des petits et des grands.
Je m’engage à ne pas restreindre de quelque manière que ce soit toutes les joyeuses manifestations qu’il suscite (images, histoires, articles, détournements, conversations, rire, réunions, philosophie, chansons, poèmes, anagrammes, photos, mails, amitiés) et ce sur tout support y compris papier, carton, fusée, page web, marbre et papyrus.
Je m’engage à utiliser comme bon me semble les images tirées des aventures de Tintin et à faire partager mes trouvailles à tous ceux que cela amuse de 7 à 77 ans.
Par contre :
Je m’engage à ne pas reproduire à l’infini les images tirées des albums sur toutes sortes de supports (serviettes, mouchoirs, cravates, agendas, tasses, objets divers).
Je m’engage à ne pas inciter à la collectionnite aiguë et au mercantilisme absurde.
Je m’engage à ne pas chercher à gagner de l’argent sur le dos de Tintin, des sociétés spécialisées sachant le faire mieux que moi.
Et pour que les choses soient claires, le site officiel est à présent baptisé "tintin.con". Les tintinophiles sont bel et bien entrés en guerre. Moulinsart a désormais contre elle tous ceux qu’elle aurait pu fédérer autour de la revitalisation de l’univers de Tintin. On ne peut que la féliciter devant tant d’efficacité !
(par Patrick Albray)
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