Les éditions Ego comme X furent créées en 1994, l’année suivant la première parution de leur revue éponyme. Sous l’impulsion de Xavier Mussat, Fabrice Neaud et Loïc Néhou, Ego comme X a publié plus de soixante ouvrages d’auteurs français et étrangers, qui ont reçu plusieurs récompenses, à Angoulême notamment.
Le Journal de Fabrice Neaud, dont le tirage cumulé approche les 50 000 exemplaires, a ainsi obtenu l’Alph-Art Coup de Cœur lors du festival d’Angoulême en 1997 et Le Val des Ânes de Matthieu Blanchin a été récompensé du Prix du meilleur premier album en 2002. Ayant construit sa ligne éditoriale autour de l’autobiographie dessinée, Ego comme X s’est ouvert également, au début des années 2000, à la la littérature, tout en diversifiant ses approches.
Mais Ego comme X connaissait des difficultés depuis plusieurs années déjà. Loïc Néhou, directeur de la maison d’édition, ne se salariait plus depuis cinq ans. Pour faciliter les rééditions ou les éditions spéciales, une collection de livres imprimés à la demande a été créée en 2011. Cette initiative a permis de maintenir l’impression en France et de doubler les droits d’auteur. Tout cela, et malgré la présence au catalogue d’auteurs importants aussi bien en bande dessinée (Frédéric Boilet, Kazuichi Hanawa, Simon Hureau, Olivier Josso, Benoît Peeters, Joe G. Pinelli, Frédéric Poincelet, Yoshiharu Tsuge, Vincent Vanoli...) qu’en littérature (Vincent Ravalec, Lionel Tran), n’a pas suffi pour maintenir en vie Ego comme X.
Loïc Néhou l’a annoncé dès le 24 octobre 2016 sur le site de l’éditeur : " Bon... il est temps d’officialiser les choses : voici 5 ans que je ne me salarie plus (au passage, je ne remercie pas le CENTRE DU LIVRE ET DE LA LECTURE en POITOU-CHARENTES) et 2 ans que j’ai arrêté de publier des livres (je ne remercie plus MAGELIS - POLE IMAGE d’Angoulême), je déclare donc que les ÉDITIONS EGO COMME X cessent désormais leurs activités." Une cessation d’activité pleine d’amertume, et ce d’autant plus que le stock de livres encore existant s’est retrouvé menacé à la suite d’une demande officielle pour récupérer les locaux occupés par Ego comme X.
Loïc Néhou déclarait en 2014 sur ActuaBD : "Il y a 20 ans, il fallait exister, maintenant, il faut résister." Cette résistance se termine donc cette année. Il concluait ainsi : "je crois que nous avons commencé à bien amorcer le virage, d’autant que la situation financière est toujours restée des plus saines." Toute la bonne volonté du monde n’a pourtant pas permis la réalisation de ce vœu ! Il faut dire que le marché est devenu de plus en plus compliqué pour les petits éditeurs, que la concurrence est rude et que bien d’autres ont repris, avec plus ou moins de bonheur, l’idée de mettre en avant l’autobiographie.
Cette fin de vie a cependant fait un peu parler d’elle. Signant comme un dernier baroud d’honneur, Loïc Néhou mettait en cause, en octobre dernier, le Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charente (CLL), ainsi que Magelis. Déplorant le manque de soutien, il regrettait la baisse des subventions, qui l’avait contraint à cesser de se salarier, puis de publier. Le message lapidaire de l’éditeur a même suscité des réactions des institutions évoquées.
C’est d’abord le CLL qui s’est fendu d’un communiqué, sa directrice Hélène Glaizes répondant à Loïc Néhou dès le 27 octobre. Si le CLL "déplore" la cessation d’activité d’une maison d’édition "incontournable", il prend surtout le temps de détailler l’aide fournie à Ego comme X au fur et à mesure des années. Cette aide a en effet été conséquente. Mais le CLL rappelle assez sèchement que son rôle n’est pas d’ "assurer un salaire aux éditeurs indépendants". Et de conclure : "A l’heure du redécoupage territorial et des contraintes budgétaires annoncées, la mise en cause injustifiée du Centre du livre et de la lecture en Poitou-Charentes est inadmissible parce qu’elle fragilise l’ensemble des acteurs du livre du territoire, au moment où chacun se doit d’être particulièrement vigilant." Un appel à la responsabilité qui tend quelque peu à inverser les rôles, et qui sonne comme une fin de non-recevoir pour Ego comme X.
Magelis - Pôle Image d’Angoulême a également réagi. Son directeur Frédéric Cros a ainsi déclaré que les mots de Loïc Néhou n’étaient "pas très fair-play". Il signale également que la baisse de la subvention de 2015 était due au choix d’éditer de la littérature - et non de la bande dessinée. Il affirme aussi qu’Ego comme X n’avait déposé aucune demande d’aide en 2016. Il souligne enfin que son souhait était d’orienter la maison d’édition vers l’auto-financement. Une contre-argumentation qui paraît solide, mais qui ne prend pas en compte la situation difficile d’un éditeur confronté à un marché en pleine évolution.
Loïc Néhou a finalement confirmé début avril la cessation d’activité. L’arrêt est présenté comme définitif. Il est cependant encore possible de se procurer certains ouvrages en s’adressant directement aux auteurs, à qui Ego comme X a donné les droits et les stocks.
Il est toujours un peu triste de voir s’arrêter une telle activité, qui en l’occurrence fut aussi une aventure éditoriale. Les conditions de cette cessation d’activité s’expliquent aisément par la déception de voir s’achever ainsi des efforts ayant duré plus de vingt ans. Souhaitons que l’équipe d’Ego comme X parviendra à retrouver un moyen d’expression digne de sa passion pour la bande dessinée et la littérature.
(par Frédéric HOJLO)
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