Depuis le déclin des grands magazines de bande dessinée, auquel Guy Delcourt assista en direct puisqu’il fut, en 1985, le rédacteur en chef d’un Pilote agonisant, le sentiment d’une aventure éditoriale collective reste un fantasme parfois concrétisé dans de vieux titres existants (Spirou, Fluide Glacial,...) ou dans ce qui reste d’un esprit "fanzine" qui survit malgré tout, notamment dans l’univers des mangas.
La revue Lapin de L’Association, une espèce de revue-album à périodicité sporadique lancée à la fin des années 1990 et qui survit de nos jours avec des "rédacteurs en chef" invités, a été également ce "lieu commun" où les auteurs un peu notoires pouvaient essayer des choses aux côtés de jeunes créateurs qui venaient y publier leurs premiers travaux, les "grands noms" servant de locomotive au périodique.
L’idée n’est pas franchement neuve puisque, à titre d’exemple, pour prendre le relais de la disparition de Métal Hurlant, les Humanoïdes Associés avaient publié en 1989, sous le titre de "Frank Margerin présente", une sorte de revue-album à périodicité régulière où un collectif d’auteurs-maison était invité à s’exprimer à un rythme régulier comme dans un hors-série de Fluide Glacial.
Le fait que Papier (titre ironique qui fait sans doute allusion au support numérique qui, nous disent les prédicateurs, finira par devenir le support du 9e Art de demain) soit une revue au format de Shampooing, la célèbre collection dirigée par Lewis Trondheim, cumulard comme un sénateur, indique bien l’esprit d’équipe que l’on veut donner à cette aventure : "Papier, c’est une nouvelle revue de BD, composée de récits courts, publiés dans un petit format avec une grande diversité de styles et d’approches. Parmi les auteurs, des filles, des garçons, des jeunes, des vieux, des confirmés, des débutants, des Français mais aussi de nombreux auteurs internationaux à découvrir. Leur point commun ? Une vraie envie de s’amuser, d’expérimenter, de lâcher prise..." dit le communiqué.
Tout est dit : récits courts (alors que la collection s’apparente, avec ses volumes de plus de 100 pages à du roman graphique), mélange varié d’auteurs et déconnade en règle. Le fait que Yannick Lejeune -le cofondateur du Festiblog, également éditeur d’auteurs-bloggeurs chez l’éditeur de la rue d’Hauteville- se joigne à l’aventure, montre que nos auteurs numériques auront là un débouché supplémentaire -papier !, nom de dieu- à leurs notes numériques.
Au programme de ce numéro : Bastien Vivès, Lewis Trondheim, Guy Delisle, Florence Dupré La Tour, mais aussi Dylan Meconis, Jean Bourguignon, Jennifer L. Meyer, Elosterv, Grégory Panaccione, Jérôme Anfré. D’autres comme Pénélope Bagieu ou Jimmy Beaulieu sont annoncés.
C’est évidemment Vivès qui ouvre la marche avec un récit de 30 pages, L’Enfant, où Le Livre de la Jungle se retrouve revisité par la brillantissime figure de proue de la bande dessinée française actuelle. Prochain numéro pour Angoulême en janvier 2014.
À suivre, comme on disait à la fin des années 1970...
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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