1525 - Vera Cruz : la révolte couve, et les prisonniers torturés par les Espagnols souffrent. Une jeune femme plus particulièrement car elle est accusée d’hérésie, et l’Inquisition espère qu’elle lui révèlera l’emplacement du formidable trésor de l’empereur aztèque Moctezuma, dont elle fut la maîtresse. Le courage chevillé à l’âme, cette ’Malinche’ résiste toujours, malgré les sévices. Et continue à raconter à son confesseur, sa terrible histoire, rouge comme la guerre et le sang des hommes. Des hommes qu’elle séduisit pour survivre, et qui, de Moctezuma au conquistador Cortès, firent d’elle une légende, à la fois sainte et putain, témoin privilégié et horrifié de la grande barbarie des années de “Conquista”.
On connaît Jean-Yves Mitton pour la passion qu’il apporte aux récits historiques, que soit en tant que scénariste dans Attila, mon amour, comme dessinateur pour De Silence et de Sang, et Vae Victis, ou en tant qu’auteur complet dans les Survivants de l’Atlantique et Chroniques Barbares.
Il atteint sans doute son apogée avec Quetzacoatl : en mettant son dessin au service de son scénario assez dense, il évite les pièges de l’illustration et de l’exhibitionnisme gratuit qu’on a pu parfois lui reprocher dans des œuvres précédentes. Bien sûr, une partie de la trame tourne autour de la beauté de l’héroïne et de l’attirance que son caractère entraîne, mais c’est au service de l’intrigue, comme son compère Rocca-Ramaïoli a conduit Bodicae dans Vae Victis.
En traitant de la conquête mexicaine comme un long flash-back, Mitton équilibre le récit entre petite et grande histoire, tout en comparant la folie aurifère de Cortès à celle des sacrifices de Montezuma. Cette alternance donne un équilibre à ce récit fort documenté (les autochtones utilisant des termes aztèques dont le lexique en fin de volume permet de comprendre le sens), et qui n’échapperait à la lourdeur si on ne revenait en détail sur l’Inquisition, ses motivations et son (triste) mode opératoire.
Pris dans les tourmentes de cette page obscure de l’Histoire, on ne sait plus vraiment distinguer la romance de l’authentique. Mitton, qui a confronté pas mal d’écrits pour concocter ce scénario, fait parler le biographe de Cortès en lui faisant avouer l’enjolivement qu’il avait apporté à ses campagnes. La boucle est donc bouclée : la version illustrée de Quetzacoatl vaut bien celle des livres d’Histoire, et on peut allègrement s’y plonger, tant la lecture est complète et détaillée.
À conseiller aux férus d’authentique et d’aventure, à ceux qui auraient dévorés les Conquérants du Mexique de Jean-Luc Vernal & Torton, dit Jeronaton [1] ou le Cheval d’Or de Willy Vandersteen (selon les goûts) : un petit bijou !
(par Charles-Louis Detournay)
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Les illustrations sont © Mitton/Glénat
[1] Paru au Lombard dans la collection histoires de l’Histoire, le premier tome Les Conquérants du Mexique reprend de courts ou longs récits parus dans Tintin, ainsi que des illustrations. Dix ans plus tard, la suite plus romancée (Guerrero - La flèche et le feu) décrit les batailles de Cortès pour Mexico-Tenochtitlan
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