Sherlock Holmes a repris sa place parmi les héros récurrents les plus célébrés, un mythe relevé par le talent d’adaptations au cinéma portées par Robert Downey Jr, par une présence télévisuelle remarquable incarnée par Benedict Cumberbatch ou encore grâce au succès en librairie et en BD des Quatre de Baker Street (Glénat).
Scénariste à succès (Sillage, Spirou et Fantasio, etc.), Morvan, que l’on ne présente plus, s’est associé à un jeune dessinateur chinois, Du Yu, pour adapter l’œuvre de Arthur Conan Doyle. Un renard qui fait partie de l’élite des forces de police s’est vu affubler du surnom de Sherlock Fox, rapport à ses capacités de déduction hors du commun.
Dans le monde qu’il parcourt, l’espèce humaine n’existe pas et ce sont les animaux qui ont bâti une civilisation proche de celle que l’on connaît, calquée sur les années 1930. Chaque espèce a surmonté ses instincts pour vivre en bonne harmonie et permettre que les plus faibles ne servent pas de casse-croûte aux plus forts. Néanmoins le banditisme n’a pas disparu et le crime paie toujours. Entre prohibition et trafic divers, notre renard va tomber sur un os.
La bonne entente de façade et les conventions vont se fissurer peu à peu et atteindre un point de rupture lorsqu’une affaire de cannibalisme jaillit. Cette société trop lisse cacherait-elle des bas-fonds cauchemardesques ? Mais les restes retrouvés ne correspondent à aucune espèce répertoriée ! Un peu gros pour être vrai et trop évidemment lisible, le « cliffhanger » final clôt une quarantaine de pages qui semblent bondir en tout sens sans atteindre une quelconque destination.
Pas toujours en verve, Morvan signe ici un récit un peu trop stéréotypé pour satisfaire la curiosité, en dépit de tentatives de construction fragmentée sur la base d’enquêtes variées et de l’ajout aux forceps de scènes de violence et de visites des bas-fonds.
Le découpage nous fait suivre les pas du personnage principal en nous le présentant de dos. La voix off est censée nous plonger dans l’ébullition constante de son activité cérébrale. Malheureusement cette position de spectateur omnipotent et impartial déçoit car elle manque cruellement de finesse dans son application. La narration différée tente bien de créer une osmose entre ce petit animal et le lecteur mais la trop grande plasticité de l’image et du récit nous empêche de ressentir la moindre empathie pour cet être sur lequel tombe toutes les difficultés de son monde.
La palette graphique de Du Yu, dont c’est la première immersion dans l’univers franco-belge, est polie et satinée. Elle manque cependant d’aspérité pour nous faire croire pleinement à ce milieu glauque et perverti. Même si l’on ressent l’ambition d’injecter du rythme et une vie au récit, le graphisme uniforme n’atteint jamais le niveau lumineux et vivant d’un Guarnido, comparaison inévitable, par exemple.
La bonne idée qui consiste à associer un animal à la ruse proverbiale à un héros de la littérature populaire, mâtinée d’une dose de science-fiction et de bienséance, lui confère malheureusement l’allure enfantine et bancale d’un renardeau édenté.
(par Vincent GAUTHIER)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
![Serge Monfort : « En lisant, l'enfant devient le chien, comme il deviendrait chevalier dans une BD médiévale ! » [INTERVIEW]](local/cache-gd2/07/a53eabf15a5df16adbd03466676855.jpg?1713070409)
