Le fait que Tintin au Congo soit classée BD pour adulte en Angleterre et qu’un étudiant congolais porte plainte devant les tribunaux belges à l’encontre de la société Moulinsart (il juge que l’album est raciste et xénophobe), suscite la passion dans le pays natal d’Hergé. Cette aventure de Tintin est, en quelque sorte devenu le symbole de la timidité du pouvoir politique belge à reconnaître les affres de la colonisation.
Un journaliste de l’hebdomadaire belge est descendu à Matonge, le quartier africain de Bruxelles. Même si certains Congolais se montrent choqués par le caractère raciste de l’album, certains y voient une opportunité. Ainsi Guy, un vendeur congolais, confie à François Brabant et Olivier Rogeau : « Si le débat se focalise sur Tintin, ça n’a même pas de sens d’en discuter. Par contre, cette affaire peut être l’occasion de saisir le rétroviseur. Il faut que les Belges reconnaissent les erreurs du passé. Des excuses ne résoudront pas tout, mais cela apaisera les relations belgo-congolaises ».
Le Vif / L’express rapporte que « Pour l’étudiant congolais, il n’est pas admissible que la société Moulinsart fasse son beurre avec un album raciste ». Ces propos nous paraissent injustes. Hergé a reconnu que les aspects maladroits et racistes de l’album correspondaient à la vision de l’époque, à celle que les bourgeois conservateurs belges avaient du colonialisme en 1931. D’autres part, le créateur de Tintin avait insufflé dans de nombreuses aventures du célèbre reporter d’incontestables valeurs humanistes : fidélité, amitié, solidarité, respect des autres, etc. Le Dalaï Lama, n’a-t-il pas dit lors de son passage en Belgique que : « Tintin au Tibet a permis à de très nombreuses personnes de savoir que le Tibet existait » ?
Jean-Claude De la Royère, conservateur au Centre Belge de la Bande Dessinée, résume cette polémique en une phrase : « faire du politiquement correct avec de l’ancien est impossible ». De fait, les perceptions ont fortement évolués en 70 ans. Le discours de l’époque doit être pris en compte. Didier Pasamonik que nos lecteurs connaissent bien, explique au Vif / L’Express que « retirer de la vente Tintin au Congo reviendrait à se priver du meilleur outil pédagogique décrivant l’idéologie de l’époque ». Il poursuit : « Je trouve gênant qu’une œuvre raciste ne soit pas remise dans son contexte. La légèreté de l’éditeur, qui n’introduit pas un tel livre de manière spécifique et pédagogique est plus condamnable que celle de l’auteur. ». Une solution que nous préconisons depuis le début de la polémique.
(par Nicolas Anspach)
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