Le propriétaire de Marsu-Productions, Jean-François Moyersoen, a dû être impressionné par l’activité qu’un Nick Rodwell déploie autour de l’œuvre d’Hergé. Le très controversé époux de Fanny Rodwell, la légataire universelle du créateur de Tintin, a su impulser, en dépit de toutes les critiques, une politique éditoriale cohérente due essentiellement au savoir-faire de Didier Platteau, ancien directeur général de Casterman, devenu directeur des éditions Moulinsart. L’éditeur monégasque auquel Franquin confia de son vivant le soin de gérer ses droits avait jusqu’ici l’image d’un moneymaker plus que celle d’un gardien du temple.
Mais en l’espace de deux saisons, il a rattrapé l’homme d’affaires anglais : une grande exposition à la Cité des Sciences à Paris d’octobre 2004 à août 2005 (elle fera escale à Bruxelles de la mi-octobre 2006 au mois d’avril 2007) et quatre collections distinctes rendent justice au grand auteur bruxellois, qu’Hergé lui-même mettait au dessus de lui quand il s’agissait de mesurer les talents respectifs des créateurs belges.
Une expo et quatre collections
Une collection « Beaux Livres » est inaugurée avec le catalogue de l’exposition de la Villette ; « À l’Italienne » compile les « crobards » du maître : Monstres, Doodles, Signatures et autres Tronches ; « En Direct de la Rédaction », une expression d’Yvan Delporte, collectionne toutes les collaborations du mythique rédacteur en chef de Spirou avec son complice, notamment Le Trombone illustré et Un Monstre par semaine ; et « Version originale », enfin, qui reprend, au format géant des originaux, une publication chronologique des travaux de Franquin comme le merveilleux Gaston 1957-1958 qui suit pas à pas ses travaux pour ce personnage en reproduisant les originaux issus des patrimoines de diverses collections personnelles, dont bien sûr celle de Liliane Franquin, la veuve du grand dessinateur. Après cet album-ci et un somptueux volume des Idées noires qui rend justice au dessin de Franquin, on nous annonce dans cette collection un prochain Spirou et le Nid du Marsupilami, l’un des chefs-d’oeuvre de l’histoire de la BD belge.
À cela s’ajoute une série de fascicules, Les Inventions de Gaston, éditée par Hachette, quelque cinquante numéros (encore actuellement en kiosque) où une figurine originale en résine peinte à la main (une production Plastoy) est proposée aux amateurs, avec un riche dossier bourré d’informations inédites sur l’univers du gaffeur.
Tout cela ne serait pas possible sans l’intervention discrète mais efficace d’Eric Verhoest, co-commissaire de l’exposition Franquin à la Villette et que les amateurs de belle bande dessinée connaissent bien puisqu’il est l’animateur des éditions Champaka, l’éditeur des incunables de Chaland, à la production rare mais toujours impeccable.
Avec un tel artisan, les amoureux de Franquin sont assurés de recevoir une production de qualité.
Cela dit, et c’est une critique qui revient souvent dans le cas d’Hergé comme dans celui de Franquin, ces albums sont chers. Mais un tel écrin n’est-il pas préférable à une reproduction banalisée, à ces rééditions sans âme que Dupuis nous servait depuis des années ? Hergé et Franquin sont des marques d’excellence. Ces politiques sont peut-être élitistes, mais elles ont au moins le mérite de préserver correctement des œuvres qui ont droit à l’éternité.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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En médaillon : Jean-François Moyersoen . Photo : D. Pasamonik.
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