Et dire qu’il y avait des gens pour affirmer que ce magazine ne dépasserait pas le troisième numéro ! Non seulement les Cassandre en sont pour leurs frais (ils n’en avaient pas pour lourd, de toute façon, leurs arguments étant souvent gratuits), mais en plus voici que le titre croise bientôt sa première année d’existence et s’apprête à passer mensuel. En outre, malgré le procès d’intention instruit par ses détracteurs (qui l’accusent en gros d’être un « Voici » de la BD attentant à la vie privée des auteurs de bande dessinée ; on voit bien qu’ils ne l’ont pas lu), le titre reçoit de plus en plus de soutien de la part des professionnels de la BD qui voient dans cette publication un moyen de désenclaver la BD d’un discours réducteur et, il faut bien le dire, souvent sectaire.
Pour preuve, dans ce numéro, Jean Giraud alias Moebius y va de son compliment au micro de Laurent Queyssi (par ailleurs collaborateur d’ActuaBD) : « Bandes dessinées magazine ? Ah oui, j’aime bien. J’aime beaucoup car je trouve que l’idée qui consiste à amener un côté, presque « people », vedettariser, d’une façon graphique les gens, c’est vraiment une bonne idée. ». Et quand on lui dit que tout le monde n’est pas de cette opinion, de ce que l’on croit savoir, il y va de ses encouragements : « Ca fait rien, il faut y aller. Il y a toujours des opinions divergentes sur les choses, surtout quand on prend une attitude nouvelle ou un peu à contre-courant. Sinon, ça ne bouge jamais. ». Le directeur du journal, Hervé Loiselet et son éditeur, Mourad Boudjellal, ont dû boire du petit lait.
Ce dernier règle d’ailleurs ses comptes avec Jean-Christophe Menu qui en prend pour son grade dans une interview (titrée : « La Querelle ») où le patron des éditions Soleil se montre implacable : « je pense que le bouquin de Menu est un appel au secours de quelqu’un qui est en train de disparaître » dit-il. Il ajoute : « Il pensait que taper sur Soleil ou sur BD Mag, cela pouvait être fédérateur dans un milieu où il est totalement décrié. » Il dit que le livre de Menu est « un testament », le bouquin de quelqu’un qui est « appelé à disparaître assez rapidement parce qu’il est complètement obsolète. ». Cela donne le ton et le moins que l’on puisse dire, c’est que Mourad Boudjelal ne se complaît pas à pratiquer la langue de bois. Ah, Menu voulait de la polémique, il en a ! Mourad, qui doit avoir quelque pratique de jeunesse dans la castagne des cours de récré, l’invite même à une explication entre quatre yeux, entre hommes. Chacun son style.
Mais heureusement, il n’y a pas que cela dans ce numéro de BD Mag. Les interviews crépitent, c’est d’ailleurs le principe du magazine. Interviews des stars évoquées, mais aussi de Shanower, Roosevelt, Rossi, Bourhis, Luz, Montellier, N’Guessan, Tota et j’en passe... Tous les genres de la BD sont abordés, les plus commerciaux comme les plus confidentiels. Parmi elles, Cécile Grenier (« Rwanda 94 ») et Sera (« L’eau et la Terre »), nous touchent par leur émotion, la qualité de leur témoignage. En plus, ce numéro est parcouru de dessins d’humour, toujours aussi intelligents, de Jean-Luc Coudray qui publie prochainement un album sous le label "La Boîte à Bulles" abhorrée par Jean-Christophe Menu, pourtant lui-aussi éditeur du même Jean-Luc Coudray... Il faudra s’en faire une raison, si l’on veut une image à peu près fidèle de la BD d’aujourd’hui, on devra peut-être désormais en passer par Bandes Dessinées Magazine.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Participez à la discussion