Il s’est vendu en 2021 en France en moyenne plus d’un million de BD par semaine avec une saisonnalité reccord avec les autres années, sauf en fin d‘année qui affiche un pic de 4 millions d’exemplaires vendus par semaine, soit 1,5 millions de plus que l’année d’avant, ce qui explique partiellement que les distributeurs aient eu des soucis logistiques durant les fêtes…
La belle saison des mangas
Ce sont évidemment les mangas qui remportent la palme avec une croissance extraordinaire de +107% (+55% en volume), alors qu’ils croissaient de +18% l’année d’avant (+6% en volume.) Plusieurs raisons à ce « boom ».
D’abord l’arrivée en masse des nouvelles plateformes de diffusion des animes, dopées par le confinement des familles en télétravail. Impossible de résister dès lors à l’achat d’un abonnement pour accéder aux plateformes ADN, Wakanim ou encore Crunchyroll, pour des tarifs entre 50 et 65€ par an, mais aussi Disney+ avec ses créations familiales et intergénérationnelles (Disney, Pixar, Marvel, Star Wars…), Netflix et Amazon Prime Video.
C’est un public jeune qui a davantage l’habitude que ses aînés d’une consommation en ligne, laquelle a encore de beaux jours devant elle quand on pense aux webtoons (déjà plus d’un million de consommateurs en France et 15 millions aux USA) ou à de nouveaux acteurs comme Mangas.Io qui propose une offre d’abonnement à moins de 8€. À titre de comparaison, le e-commerce en Chine touche 50% des jeunes contre seulement 13% en France.
Et puis il y a le Pass Culture qui a, comme on le sait, massivement profité aux mangas. « Du moment que les jeunes lisent… » dit la Ministre de la Culture. Ben oui…
Il y a enfin le tarif des mangas qui maintiennent le prix de la BD à un seuil abordable pour les jeunes, tandis qu’en dix ans, le prix moyen des romans graphiques, qui ont progressé sur cette période de +24%, a cru, selon GfK, que de 3%. Cela reste très modeste.
Cela dit, la hausse de l’inflation sur les matières premières (papier, encre…) et sur les transports devrait avoir un impact sur le prix des mangas et des albums dans un terme assez court, ce qui devrait freiner cette incroyable croissance.
Duel entre Astérix et Mortelle Adèle
Et puis il y a "le phénomène Mortelle Adèle" (qu’attend L’Express pour en faire une Une ?) dont les ventes en cumul dépassent les 2 millions d’exemplaires vendus en 2021, plaçant 13 titres dans le top 50 des ventes.
Astérix est dépassé ? Pas encore puisque, selon Céleste Surugue, son éditeur, Astérix et le griffon est le troisième titre en croissance de la série depuis le fléchissement d’Astérix et la transitalique avec un total de 2,4 millions d’albums vendus tous réseaux confondus (GfK passe à côté de certains secteurs de vente touchés par Astérix), si l’on tient compte du fonds dont les ventes progressent de 12% en 2021 (862 000), avec une vente moyenne au titre qui oscille entre 30 et 45 000 exemplaires. En Allemagne, la nouveauté d’Astérix a progressé de 7% par rapport à 2020 et le fonds de même, tandis que le Parc Astérix, quand il était ouvert, a affiché des entrées records. L’arrivée prochaine de nouveaux dessins animés d’Astérix sur Netflix devrait encore donner des couleurs à cette licence, qui est loin de baisser la garde. Xavier Guilbert, l’éminent commentateur du site Du9, qui guette depuis des années le déclin d’Astérix devra encore attendre…
Ce qui frappe dans le Top 50, c’est le N°1 de Mortelle Adèle qui date de 2012 (il y a depuis 18 albums parus...) et qui vend cette année plus de 200 000 exemplaires, ce qui laisse augurer quelques records à venir.
Un secteur tonique
Ce que nous disent encore les chiffres GfK, c’est qu’il a plus d’éditeurs de BD qu’il y a dix ans (+33% depuis 2011), que les séries à succès ont encore plus de succès (x3 depuis 2011) et que le fonds tourne à fond, comme on a pu le voir avec Mortelle Adèle et les mangas.
C’est aussi, avec les mangas, Mortelle Adèle, Les Légendaires, mais aussi un roman graphique comme Le Jeune Acteur de Riad Sattouf, un album qui parle aux jeunes, le triomphe des jeunes consommateurs, au détriment des « vieilles » séries franco-belges bien que le Blake et Mortimer de Jean Van Hamme a très bien tenu la route (autant que One Piece, pour un prix bien plus cher). C’est bien la preuve que les vieilles carnes (je ne parlais par de Jean Van Hamme dont on ne doit pas oublier qu’en ventes cumulées il rivalisait certaines années avec Uderzo, mais de ces personnages qui approchent des 80 ans) en ont encore sous le pied.
On ne peut que redescendre ?
Mais oui, bien que les mangas et la BD jeunesse (c’est la même chose) n’ont aucune raison de baisser la garde : avec les comics, c’est 80% du marché. Le premier Mortelle Adèle avait comme titre : « Tout cela finira mal… » Mais pour l’espiègle gamine, jusqu’ici, tout va bien. La raison nous indique que toute progression a une fin, en principe. Mais il va du succès de la BD comme de cette pandémie, on n’en voit pas le bout.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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