J’ai connu Benedikt Taschen en 1981. À l’époque, il habitait Cologne et y tenait une boutique de BD –une des premières d’Allemagne- à la façade rose. Il voulait racheter Magic-Strip, le petit label que je venais de créer avec mon frère à Bruxelles. Il était accompagné de son directeur commercial, un colosse blond du nom de Ludwig Könemann. Quand ils ont commencé à nous expliquer que leur méthode de commercialisation consistait à descendre dans chaque grande ville, à louer une suite dans les plus grands hôtels et à passer les commandes auprès des libraires en les arrosant de champagne et de boissons fortes, mon esprit puritain m’avait laissé dans la plus grande circonspection. Nous n’avons pas vendu Magic-Strip. Nous aurions peut-être du car, trente ans plus tard, Benedikt Taschen est devenu le plus grand éditeur d’art du monde, révolutionnant le métier en mettant l’art à la portée des petites bourses. Son secret ? Monter des coéditions en sept ou huit langues de façon à obtenir d’entrée des tirages énormes qui écrasent les prix de revient.
Benedikt n’a pas perdu son goût pour la BD et il profite du 30e anniversaire de sa maison pour fêter le 75e d’un label mythique : DC Comics. La marque est peu connue, surtout des lecteurs français qui lui ont toujours préféré Marvel, mais deux de ses personnages ont fait le tour du monde : Superman et Batman.
Lorsqu’en 1935, le major Malcolm Wheeler-Nicholson, publia le premier numéro de New Fun, l’un des premiers comic book de l’histoire comportant es créations originales (auparavant, c’était du recyclage de séries passées dans les journaux), il ne faisait que remplir de bande dessinée un format bien connu, celui des pulps, ces romans à 5 sous inventés au 19e Siècle par Émile de Girardin et qui étaient devenus extrêmement populaires aux États-Unis, notamment avec un personnage comme The Shadow dont le succès était amplifié par la lecture de ses aventures à la radio.
Mais le vrai départ, on le sait, a été celui de Superman de Siegel & Shuster 1938), puis Batman de Bob Kane & Bill Finger publié dans Detective Comics (le D et le C de DC Comics) qui entama l’ère pas encore achevée du comic book.
75 ans plus tard, c’est un patrimoine de 40.000 fascicules et d’aventures qui a été accumulé constituant une mythologie d’une abondance inouïe devenue l’une des marques de la civilisation américaine, déclinée en films , en jeux vidéo et en de nombreux objets quasi votifs. Des milliers d’autres personnages se sont joints aux premiers. Un Olympe de papier dont le graphisme incarne, on s’en rend mieux compte aujourd’hui, le génie de la modernité de son époque.
C’est cette histoire-là que se propose de raconter Paul Levitz, amateur passionné de l’univers DC qui a fini par en devenir le président à la faveur de son rachat par le groupe Warner. Le livre est une somme, « une pierre tombale » dirait Luc Cornillon. « Même Superman aurait du mal à le soulever ! » dit le communiqué de presse.
De fait, avec son format relié de 29 x 39.5 cm et ses 664 pages, l’ouvrage comporte plus de 2.000 images — couvertures et intérieurs, illustrations originales, photographies, images de film et objets de collection — reproduites grâce aux technologies de numérisation d’aujourd’hui. Une chronologie complétée de notices biographiques détaillées des artistes, scénaristes, directeurs de publication, des éditeurs et autres intervenants dans l’aventure de la saga DC Comics. Une sacrée référence !
Dommage que le prix (150 euros quand même) soit aussi élevé. En même temps, on comprend : DC Comics n’a pas en France l’aura d’un Marvel. Reste à espérer que la traduction soit à la hauteur du texte original, car cela a toujours été le point faible de l’éditeur allemand.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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