La série Les Vieux fourneaux, de Lupano et Cauuet, date de 2014 et constitue l’un des beaux succès (inattendus) de librairie de ces dernières années. Ce succès fut si grand que les auteurs (et l’éditeur) décidèrent de développer la série par un biais original via Le Loup en slip, dont W. Lupano nous expliquait la genèse :
« le personnage du Loup en slip avait été inventé par Mayana Itoïz, bien avant la création des Vieux Fourneaux. Elle en faisait des toiles pour les enfants car elle est illustratrice dans le milieu de l’édition jeunesse depuis des années. J’ai donc repris ce personnage dans Les Vieux Fourneaux car je voulais lui faire un clin d’œil. Je m’en étais servi pour faire le personnage principal de la pièce de théâtre du Loup en slip. Cela nous a ensuite donné l’idée de faire un album centré sur le Loup en slip afin de s’adresser aux plus jeunes mais en conservant le même ton et les mêmes thématiques que j’avais proposé dans Les Vieux Fournaux ».
Cette série destinée aux enfants, scénarisée par W. Lupano et dessinée par M. Itoïz, raconte donc les aventures que Sophie fait jouer à ses marionnettes dans les Vieux Fourneaux. Le premier volume était paru en novembre 2016, et le succès fut suffisamment au rendez-vous pour que paraisse sa suite un an plus tard. On s’amuse beaucoup, notamment grâce aux différents niveaux de lecture : les petits seront amusés, les grands comprendront les jeux de mots, jusqu’au titre (Le Loup en slip se les gèle méchamment). L’hiver arrive et le loup grommelle, en répétant sans cesse qu’« on se les gèle » ! Toute la question est de savoir ce que ce loup toujours en slip peut bien se geler… Tous les animaux de la forêt tentent par différents moyens de le savoir, de peur qu’il ne redevienne le grand méchant loup qui les terrorisait autrefois ! Dessins et couleurs sont très élégants, et c’est typiquement le genre d’albums que les parents prendront plaisir à lire à leurs enfants avant que ces derniers ne soient, à leur tour, en âge de lire Les Vieux Fourneaux.
Dans le même temps sort donc le quatrième volume de cette dernière série. Le premier tome était centré sur l’histoire d’Antoine, le second sur Pierrot, le troisième sur Mimile et le quatrième l’est donc, logiquement, sur Sophie. Dans le champ de Berthe, là où Garan-Servier devait implanter l’agrandissement de son usine, on a découvert la magicienne dentelée, une espèce de sauterelle protégée par l’Union Européenne. Le projet bute donc désormais sur une ZAD et le village se divise entre partisans du progrès et des emplois industriels, d’un côté, et défenseurs de la nature, d’autre part.
La bande à Pierrot débarque avec un bus rempli d’octogénaires venus défendre armes à la main la belle sauterelle dont on cherche les œufs cachés, même si en réalité Pierrot a d’autres plans en tête. Surtout, pendant ce temps, Sophie a des fuites dans son toit et dans son cœur : pendant que le village s’échine à découvrir l’identité du père de sa fille, elle-même aimerait surtout en savoir davantage sur son propre père.
Le ton est toujours aussi alerte, avec des dialogues finement ciselés :
« - Mais elle peut pas vivre ailleurs que dans les champs de Berthe, cette sauterelle à la con ?
Non, à cause des normes européennes ?
Y a des normes, chez les sauterelles ?
Chez les sauterelles européennes, oui.
Tu te rends compte qu’elles se reproduisent par clonage ?
Elle a qu’à aller se faire cloner le fion dans le champ d’à côté et pas freiner la reprise économique ».
Le dessin de Paul Cauuet continue à être nerveux et rythmé, bien mis en valeur par les couleurs de Gom. Il développe plusieurs passages très réussis graphiquement, comme cette planche reproduite deux fois mais avec des dialogues et des couleurs différents selon la personne qui écoute le discours des Zadistes. Le plaisir de faiblit guère à la lecture de ce nouvel opus.
On attend désormais avec une très grande impatience que sorte le film adapté de la série, avec notamment Pierre Richard et Eddy Mitchell, dans lequel W. Lupano s’est fortement (et heureusement) impliqué !
(par Tristan MARTINE)
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