Le grand public, que sait-il vraiment du King ? Qu’il a fini obèse, gonflé de beurre de cacahuète à 42 ans, bougeant à peine dans ses costumes à paillette lors de concerts prévisibles ? Que tout jeune il a révolutionné la façon de chanter et de bouger ? Et quid de la musique, de l’interprétation, du leg artistique ?
Vétéran du journalisme français, éditeur, ex patron de Paris-Match, Patrick Mahé connaît son sujet. Sur les années 1950-60, ses sources imposent le respect. Il rend à Elvis une humanité chaleureuse, son humour radieux, sa générosité. Il n’oublie pas son amour sincère des musiques noires, du gospel notamment. Et ne cache rien de ses dernières années, pathétiques, effrayantes, désastreuses.
On en retient aussi l’amour de sa mère, le traumatisme de son jumeau mort-né [1]. On retrouve aussi la pauvreté, qui a corseté sa jeunesse, enflammé son ambition. Et l’addiction bien sûr, première cause de sa perte : tous ces médicaments qui l’aideront à tenir et finissent par le dévorer.
Partenaire devenu rare en BD, Kent a jonglé entre la musique (le groupe lyonnais Starshooter puis une carrière solo) et le dessin. Il livre ici des planches en noir et blanc, parfois teintées de bleu ou de rose, dans un style très français, avec des touches de style américain. Marc Malès apparaît l’artiste le plus proche dans ce style. La mise en page, très variée, apporte de jolies surprises, donnant un rythme particulièrement plaisant au récit.
Comme tout hommage passionné, cet Elvis-là respire l’authenticité, et la sympathie qu’il dégage jusqu’à la fin des années 60 s’écroule lourdement sur son mal de vivre à venir. On pense à tous ces artistes devenus, plus ou moins vite, des mégalos imprévisibles : Michael Jackson, Prince, voire Elton John ou Lennon. Et dont on garde aussi, à jamais, les traces musicales d’un universel talent.
(par David TAUGIS)
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[1] un chanteur français a même choisi son prénom comme pseudo d’artiste dans les années 1980 ; Jessie Garon