Alix Origines : L’Enfance d’un Gaulois, par Marc Bourgne et Laurent Libessart (Ed. Casterman.), série dérivée de l’œuvre de Jacques Martin, en étonnera plus d’un. D’abord parce que l’enfance du jeune Gallo-Romain créé en 1948 tourne résolument le dos au style de « L’École de Bruxelles », un vocable inventé par le créateur d’Alix pour désigner ce courant de dessin qui dérive de l’œuvre d’Hergé et d’Edgar P. Jacobs, que l’on désigne parfois sous celui de « Ligne claire ». Il se caractérise par un trait réaliste, ultra-documenté, et une narration inscrite dans un gaufrier serré où le texte est omniprésent, notamment au travers de narratifs extrêmement descriptifs.
« Alix Origines », au titre très anglo-saxon, ne suit pas cette voie. Les récitatifs sont quasiment absents, ce sont les dialogues qui priment, les pages sont peu denses (six cases en moyenne) et le graphisme est davantage proche des productions actuelles de Disney et des mangas japonais que les standards un peu maniéristes de la production Martin de ces dernières années.
Et le résultat est plutôt réussi : le scénario de Marc Bourgne ne souffre d’aucun temps mort, il est cohérent et le lecteur est immédiatement pris de sympathie pour le jeune Alix, fils d’Astorix, un chef des Eduens venu chercher auprès de Jules César un soutien face aux invasions successives de la Gaule par des Celtes venus de Germanie.
On y décrit très bien les enjeux stratégiques du moment : les tribus gauloises doivent choisir leur protectorat entre les farouches Helvètes qui avaient flanqué plus d’une fois une dérouillée aux légions romaines et la république romaine commençant à bâtir son empire. Pas une faute historique dans cet album : tout est étayé par des appuis sérieux, un peu comme l’autre série dérivée d’Alix : Alix Senator.
On voit bien les objectifs visés : rendre la « licence » plus jeune, plus internationale, davantage adaptable sur d’autres supports (cinéma, jeux vidéo…) tout en conservant les qualités de la série Alix : un commentaire sérieux, passionnant et documenté, de la Gaule au moment de l’invasion romaine qui peut éventuellement servir de support didactique pour éveiller l’intérêt pour l’histoire de l’antiquité auprès des plus jeunes.
Une mondialisation de la BD franco-belge
Reste que cette nouvelle série montre bien une tendance profonde de la bande dessinée franco-belge de ces dernières années : une concentration sur des marques fortes, transgénérationnelles, si possible « propriétaires », c’est-à-dire appartenant à l’éditeur, disposant d’un catalogue important.
C’est le cas désormais de séries comme Astérix, Blake et Mortimer, Lucky Luke, Thorgal, Boule & Bill, ou Spirou. Mais rares sont les sauts esthétiques qui tournent le dos de façon radicale au canon originel. On se souvient des cris d’orfraies qu’avaient suscité le manga Spirou de Jean-David Morvan et d’Oshiima, ou même les critiques essuyées par le Spirou de Morvan et Munuera. Ils avaient entraîné l’arrêt brutal de ces séries...
Il semble bien que ces conversions sont de moins en moins complexées, obéissant davantage à la loi du marché qu’à ces "emmerdeurs" d’ayants droits. De là à imaginer un Tintin avec des grands yeux dialoguant avec des petits hommes verts aux confins de la galaxie, il n’y a qu’un pas…
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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Alix Origines : L’Enfance d’un Gaulois – Par Marc Bourgne, Laurent Libessart et Jacques Martin – Ed. Casterman.
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