Écrit en 1667, le long poème d’inspiration biblique de John Milton avait été traduit par –excusez du peu- Chateaubriand. Et déjà illustré par Gustave Doré et William Blake. [1] Pablo Auladell a répondu d’abord à une commande d’un éditeur espagnol spécialisé dans la poésie, mais le projet a été abandonné. Il a fallu une reprise (au départ numérique) par un nouveau commanditaire pour que ce Paradis Perdu arrive en France, et en édition papier.
Sur le texte, l’essentiel tient dans la Genèse, avec Adam et Eve découvrant le Paradis et subissant les tentations du diable et donc du fruit défendu. La lutte entre les anges du bien et du mal apportant un second niveau narratif.
Le travail d’Auladell s’inscrit dans une esthétique sobre et vaporeuse, surtout pour les chapitres composés au départ, avec des planches privilégiant la bichromie et des cases aérées, souvent très minimalistes dans une volonté de limiter personnages et décors.
L’évolution est spectaculaire dès le livre II, avec des couleurs plus épanouies et des attitudes bien plus vivantes à la fois de nos deux humains et des figures divines et sataniques. Les dernières pages atteignent des sommets en matière de figuration, et la partie évoquant la fuite d’Adam et Eve hors du paradis s’avère somptueuse.
Il semble que l’auteur n’ait pu retranscrire qu’une partie du poème de Milton sans que la narration s’en trouve gênée, mais la curiosité à l’égard du texte original s’éveille forcément, tout en pointant les nombreux emprunts bibliques. En somme, une véritable œuvre d’art, certes parfois aride, et demandant des références culturelles, mais qui parvient à susciter trois lectures voisines les unes des autres.
(par David TAUGIS)
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