La Cinémathèque française est présidée par le grand réalisateur Costa-Gavras, l’auteur de Z et de L’Aveu, qui ne cache pas son admiration pour l’auteur d’Astérix : « Il a créé un univers extraordinaire. Cet univers a été accueilli, aimé, adroré même par des millions de gens. Le cinéma s’en est emparé. Il a fait des films . La Cinémathèque ne pouvait pas rester en dehors de cela. »
Aux manettes de cette exposition somptueuse, Frédéric Bonnaud, directeur général, Jean-Pierre Mercier, commissaire général , conseiller scientifique du Musée de la bande dessinée d’Angoulême, partenaire de l’exposition qui se déplacera du 22 juin au 9 décembre 2018 dans la cité angoumoisine, et Pierre Lambert qui, en plus d’être un des plus grands collectionneurs d’archives sur le dessin animé s’est occupé de la section, la plus belle, sur les Studios Idéfix, c’est-à-dire de l’aventure industrielle de René Goscinny quand il s’est décidé à créer son propre studio d’animation.
« Nous savions que l’œuvre de René Goscinny était gorgée d’images du cinéma, nous dit Frédéric Bonnaud. Quand il a travaillé sur Lucky Luke, il a encore accentué le côté cinématographique, le côté parodique, pastiche qui pouvait déjà se trouver dans la série. Nous savions qu’Astérix avait été soumis aux influences du péplum, que dans Le Petit Nicolas on parlait énormément de télévision et de cinéma, mais ce que nous avons découvert quand nous avons commencé à travailler, c’est à quel point le cinéma était l’horizon d’ambition de René Goscinny. »
Une œuvre qui tend vers le cinéma
« S’il n’était pas parti si tôt, analyse Aymar du Châtenet, commissaire associé dans le cadre de l’Institut René Goscinny, il aurait peut être délaissé la bande dessinée pour le cinéma, aurait fait de la réalisation. Il a été impliqué dans une centaine de films, comme simple gagman pour Bourvil jusqu’aux adaptations de son œuvre bien après sa disparition. C’est aujourd’hui l’un des auteurs français adaptés au cinéma. Il y a tous les deux ou trois ans un film qui est une adaptation de son œuvre avec Albert Uderzo, Morris, Tabary ou Sempé. Cette exposition , dont la scénographie est faite par Pascal Rodriguez, a réussi à nous faire entrer dans l’Univers de René Goscinny. »
Elle commence par une section intitulée « L’enfant qui rêvait d’être Walt Disney ». De fait, le jeune Goscinny dessine des scènes entières de Mickey mais aussi de Blanche Neige. Il est fou de cinéma : la galerie de caricatures de grands acteurs qu’il dessine lui-même, un peu dans le style de Al Hirschfeld, pour Le Moustique des éditions Dupuis et qui inaugure l’expo montre à quel point le 7e art a irrigué le sien. De l’enfance de Goscinny, on passe à celle du Petit Nicolas dont on découvre le commentateur de la TV et du cinéma qu’il est mais aussi une première adaptation pour la télévision par André Michel dès 1964, soit quelque 50 ans avant les adaptations en dessins animés pour la télévision et les deux films de Laurent Tirard produits en 2009.
Un studio "à la Walt Disney" à Paris
Astérix et Lucky Luke partagent les deux salles suivantes, œuvres considérables aux adaptations nombreuses qui font connaître l’humour de René Goscinny sur toute la planète. Mais c’est dans la cinquième section, celle concernant les studios Idéfix que l’on voit se concrétiser le savoir-faire de ce génie qui a investi sa fortune (et celle d’Uderzo) dans un projet proprement pharaonique : créer un studio « à la Disney » à Paris. Pierre Lambert, passionné de dessins animés, avait 16 ans en 1977, quand il demanda aux Studios Idéfix de faire un stage. Goscinny l’accueillit.
Le 4 novembre 1977, le scénariste et désormais producteur faisait un de ces débriefings autour des productions du moment, séances qui étaient systématiquement enregistrées, mais qui l’étaient malheureusement sur la même bande par souci d’économie. Ce devait être le dernier car le lendemain, il faisait chez son cardiologue ce fameux test d’effort qui devait l’emporter inopinément. C’est donc le seul dont on ait conservé la trace. Il y donne, avec un tact infini, les conseils nécessaires à ses collaborateurs pour le film en cours. Les Studios Idéfix ne survivront pas à cet ultime exercice. Cet section explique avec une belle clarté comment se fabrique un dessin animé.
Goscinny cinéaste
La section suivante s’intéresse aux nombreuses productions de René Goscinny pour la télévision. Avec la complicité de Pierre Tchernia, à qui cette exposition est dédiée, il a multiplié ses présences sur le petit écran, notamment dans Deux Romains en Gaule en 1967 où il incarne un Gaulois : « Ce que j’ai fait aujourd’hui, déclara-t-il, Hergé ne l’aurait pas fait… Il a bien trop de dignité ! » Avec Tchernia, il multipliera les succès, notamment avec Le Viager, incarné par Michel Serrault.
On redécouvrira aussi ses « Minichroniques » diffusées fin 1976 (et dont une compilation vient de sortir). Au générique apparaît un certain Pierre Desproges qui ne rencontra cependant jamais ce maître de l’humour…
L’exposition se clôt sur le César reçu par René Goscinny, décerné à titre posthume en 1978, et avec l’impression que cet homme dont le Musée d’Art et d’Histoire du Judaïsme qui a lieu en même temps, montre bien comment il a révolutionné la bande dessinée de son temps, a laissé également une trace indélébile dans le cinéma.
Comme Disney, Goscinny a réussi à associer le 7e et le 9e art.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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GOSCINNY ET LE CINÉMA
ASTÉRIX, LUCKY LUKE & CIE
du 4 octobre 2017 au 4 mars 2018 à La Cinémathèque française
Exposition coproduite par
La Cinémathèque française et la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image, en partenariat avec l’Institut René Goscinny. L’exposition sera ensuite transportée à la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image d’Angoulême du 22 juin au 9 décembre 2018
Le site de la Cinémathèque française
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
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