Le titre trahit d’emblée l’intention des auteurs : l’assimilation d’une trajectoire de parvenu malhonnête aux limites du trouble mental à la celle de TOUS les riches de la planète [1] . Un exemple sensé illustrer une réalité, voire une théorie. Tout le contraire de la méthode sociologique dont se targue avec suffisance le couple d’ex-chercheurs à l’origine de l’album.
On raconte donc ici l’ascension et la chute de l’ex-ministre socialiste Jérôme Cahuzac, constamment obsédé par un enrichissement sans fin jusqu’à sa condamnation, à la fois politique, judiciaire et morale. Le dessin de Lécroart, avec son esthétique de caricature tempérée de bonhomie apporte un dynamisme sautillant et bon enfant au récit, ne lésinant pas sur les pages très graphiques pour clarifier l’affaire et le propos.
Le portrait des époux sociologues, en valeureux chevaliers de la justice, s’avère lui plutôt irritant. Dépeints comme chercheurs infatigables luttant contre les inégalités, ils figurent en héros gentiment obstinés au service du bien. Non seulement Lécroart se garde bien de préciser qu’ils sont à la retraite depuis plus de dix ans, mais surtout que leur "réussite" tient à leur production livresque à sens unique : la sociologie des riches, encore et toujours, et bien évidemment à destination des déclassés, étudiants angoissés et autres profs frustrés. De très bonnes ventes à chaque fois, bien au-delà d’un lectorat universitaire. Contrairement à leur maître Pierre Bourdieu, ils n’ont rien révélé de notre société, et encore moins de ses mécanismes de contrôle. Ils font du commentaire à charge, comme la presse qu’ils défendent. En l’occurrence les seuls et uniques Mediapart...
Dommage de mettre en scène le travail des Pinçon-Charlot avec une telle complaisance, à la limite du groupie, sans jamais chercher à équilibrer le propos. On n’est pas loin du "tous pourris", "le monde est injuste", et heureusement qu’on est là pour vous le dire, et le répéter sans fin. Il est moins aisé d’aller enquêter en banlieue sur l’échec scolaire et les stratégies de fuite des familles d’une ville à l’autre pour éviter certaines populations, phénomène sociologique qui touche jusqu’aux classes moyennes.
Quand on sait que nos sociologues se revendiquent marxistes et ont soutenu un temps Mélenchon en France, on peut douter de leur méthodologie scientifique (d’ailleurs, où sont les chiffres généraux ici, les comparaisons, les évolutions ?). On peut surtout se demander où se trouve un élément fondamental de la sociologie : l’objectivation. À mener ce combat répétitif, les auteurs ne dépassent pas le stade du constat, fait par la presse bien avant eux, et ne posent pas les bonnes questions comme par exemple la refonte des lois fiscales au niveau européen.
(par David TAUGIS)
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[1] et ce malgré le sous-titre "L’affaire Cahuzac et l’évasion fiscale" qui en toute logique aurait du constituer le titre tout court...
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