Le titre Malgré nous est déjà une référence aux jeunes hommes d’origine alsacienne (ou de Lorraine) qui furent engagés de force dans les armées allemandes durant la Seconde Guerre mondiale. Un engagement d’autant plus paradoxal que ces deux régions s’étaient battues du côté du drapeau français lors de la précédente guerre. Du coup, on ressent à travers le récit de Thierry Gloris, cette perte de repère d’une population qui, depuis vingt ans, se considérait comme française, mais qui dut rejoindre une Allemagne toujours perçue comme un envahisseur.
Devant cette forte, mais sombre réalité historique, le scénariste raconte l’histoire de Louis Fisher, un Alsacien de 20 ans qui rêve d’une romance impossible avec la belle Annette Lux. Engagé, le jeune homme n’hésite pas, malgré les risques, à plaider que l’Alsace et la Lorraine restent français de cœur. Capturé par une patrouille allemande après le couvre-feu imposé dans toute l’Alsace, il s’est retrouvé dans la catégorie des “Malgré nous“.
Inspiré par le passé de sa famille, on ressent très bien, dans le récit de Gloris le désarroi de toute une population. Il y mélange différents destins, du collabo au résistant qu’est Fisher. Entre les deux, le tout un chacun qui tente tant bien que mal de s’habituer aux changements de régime, comme le père de Fischer qui ne souhaite pas s’en mêler, même s’il aime à montrer son casque porté dans les tranchés françaises en 14, ou comme sa sœur tombée amoureuse d’un soldat allemand et traitée de collabo par Louis.
Un travail de mémoire joliment mise en scène par Marie Terray. Son agréable dessin réaliste est accompagné de couleurs à l’aquarelle. Sans nuire à la qualité générale de son travail, on regrette toutefois de ne pas trouver une colorisation aussi belle que celle dans War and Dreams (Jean-François & Maryse Charles) par exemple.
Mélangeant avec intelligence romance, appartenance politique et guerre, Malgré nous remet en perspective, sur fond de fiction, tout un pan d’une l’histoire trop souvent négligée, voire oubliée. Inévitable !
(par Olivier Wurlod)
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