Nous vous avons déjà dit ici tout le bien que nous pensions du premier tome de cette histoire parue l’an dernier, voici la conclusion de ce curieux diptyque associant les courbes langoureuses des vahinés aux combats sans merci de la Première Guerre mondiale.
Les meurtres en série perpétrés sur de jeunes tahitiennes se poursuivent sur l’île de Tahiti, tandis que les menaces de bombardement allemands se font de plus en plus pressentes. Fraîchement débarqué dans ce qui devrait être un paradis, le clerc de notaire Simon Combaud ne tarde pas à découvrir les aspects moins reluisants de l’île. Ambiance et coutumes coloniales autorisant toutes les injustices et toutes les exploitations (y compris sexuelles) des populations locales, ambitions et conflits personnels en contradiction avec les intérêts de la géopolitique du moment. Au cours de son enquête, Combaud constate que derrière les palmiers et les langueurs océanes se dissimulent l’injustice,la violence et la cupidité.
Scénariste bien installé aux éditions Proust (on lui doit notamment des adaptations d’Agatha Christie plutôt réussies ou Le Marathon de Safia chez le même éditeur, Didier Quella–Guyot nous offre en compagnie de son compère Sébastien Morice un récit foisonnant et dense, une intrigue policière dans une ambiance tropicale (avec quelques passages torrides !) sur fond historique très particulier et fort méconnu : la Guerre de 1914 dans le Pacifique.
Le héros échappe aux stéréotypes habituels du privé désabusé et alcoolique comme on en rencontre dans la littérature ou le cinéma. Le modeste clerc de notaire bien sous tout rapport (mais dont les auteurs nous laissent deviner certaines fêlures) entraîne le lecteur au cœur d’une intrigue aussi riche en rebondissements qu’en séquences languissantes « bleu horizon ».
À nouveau réuni pour ce récit en deux volumes le duo Quella-Guyot et Morice parvient à capter le lecteur par une iconographie très séduisante donnant la priorité aux couleurs et aux lumières du Pacifique. L’intrigue s’y déploie progressivement. Les péripéties politico-stratégiques servent de toile de fond à l’enquête que Combaud se trouve contraint de mener un peu malgré lui. Elles renvoient aussi le lecteur à la cruelle réalité du monde finissant de ce début de XXe siècle.
Enseignant, le scénariste a rassemblé dans un cahier en fin d’album les différents documents et traces historiques sur lesquels il a construit son récit.
Sébastien Morice pour sa part, s’acquitte de sa tâche avec brio au moyen d’une mise en page inventive sans excès, nourrie de vignettes aux couleurs locales et de collages narratifs originaux.
Les tourangeaux du festival À Tours de Bulles ne s’y sont d’ailleurs pas trompés en attribuant au premier volume de ce diptyque leur trophée Tour d’Ivoire, le réseau canal BD accompagne cette publication par une édition collector inédite. Autant de marques d’un succès critique mérité, qui ne devrait pas tarder à être confirmé par celui du public.
(par Patrice Gentilhomme)
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© Morice & Quella-Guyot, Emmanuel Proust 2012