La religion a été intimement liée au développement de la bande dessinée en Occident. Les premières images d’Epinal sont des « Vies de saints » dont les vignettes étaient vénérées dans les campagnes, passant parfois pour faire des miracles… Plus récemment, ces « miracles » ont bien eu lieu : Don Bosco de Jijé, grâce à son succès en pleine guerre, a réellement sauvé les éditions Dupuis d’une faillite certaine. Pendant longtemps, des éditions confessionnelles comme Fleurus Presse et Bayard Presse en France, Averbode en Belgique ont publié des centaines de bandes dessinées à thème religieux comme le rappelle un long article que nous avons consacré à cette question dans nos pages, avec un succès certain.
Au départ, il y a une BD lancée sur le Net par Norédine Allam et Greg Blondin, Muslim’Show. Le dessin est dynamique et attrayant. Le ton est respectueux sans trop se prendre au sérieux. Le quotidien des pratiquants est décrit dans le contexte de la France d’aujourd’hui avec tous les problèmes qu’ils peuvent rencontrer au jour le jour : au travail, à l’école, etc. Le site Oumma.com, premier site musulman francophone, l’épaule, Dargaud finit par en assurer la diffusion.
Hassan Bounamcha, l’imam d’Aubervilliers, n’a pas hésité à défendre la BD devant les caméras de France 3 : « Donner des choses positives avec une bande dessinée, c’est très bien parce que cela donne une compréhension différente à nos enfants et en même temps une compréhension à ceux qui ne jeûnent pas du tout afin qu’ils en connaître un petit peu plus. On a peur de ce qu’on ne connaît pas. On a peur de l’Islam parce qu’on ne le connaît pas. »
"Le cléricalisme, voilà l’ennemi !"
De fait, la stigmatisation des musulmans n’a pas sa place dans notre République. Et l’imam a raison de pointer l’ignorance comme source de malentendu entre les communautés. Anatole France, républicain convaincu, était un jeune étudiant quand il a été confronté à son premier recensement de la population française au lendemain de la guerre de 1870. Le recenseur devait remplir un questionnaire. Arrivé à la question sur la religion, il lui avait répondu qu’il était « bouddhiste ». Cette foi ne figurait pas dans les seules réponses possibles : catholique, protestante ou juive. Anatole France s’étonnait déjà de ce que « la deuxième religion de France » (colonies comprises, nous sommes au 19e Siècle), à savoir l’Islam, ne soit pas non plus prise en compte.
La République Française a pu se montrer intolérante avec les religions au nom d’une laïcité militante bien comprise, car l’intolérance était dans les deux camps et la lutte pour les droits civiques (divorce, enterrement civil, etc.) était à ce prix. Mais dans son Programme de Belleville (1869), Gambetta désignait non pas la religion, mais ses représentants les moins tolérants comme des ennemis de la République (« Le cléricalisme, voilà l’ennemi ! »).
Si une bande dessinée peut nous aider à être moins ignorant de l’Islam, acceptons-en l’augure.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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