WendyT1 - Nyassaland - Par Duval et Quet - Delcourt

1915 Alors que la guerre s’enlise après la terrible bataille de la Marne, français et britanniques font face à l’armée allemande sur un front qui durera jusqu’en 1918. À l’est les combats font rage sur le front russe en attendant la révolution bolchevique de 1917. Dans les Balkans et en Europe Orientale, les combats ne cessent de se faire plus sanglants.

C’est dans ce contexte que Wendy, une jeune normande de 27 ans professeur d’anglais exerce ses talents d’agent secret pour le gouvernement britannique. Sa mission : confirmer la traîtrise suspectée d’un officier anglais photographié pactisant avec des Allemands en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe). Sous couverture d’une partie de chasse, Wendy ignore qu’elle se jette droit dans la gueule du loup.

Ce premier album de la série démarre sur un modèle largement éprouvé au cinéma. Une petite mission annexe dans une bibliothèque de Porto qui tourne au vinaigre et en fusillade musclée et qui permet d’introduire bien des éléments : laïus de l’employé qui rappelle le contexte historique, course-poursuite qui installe le côté "Indiana Jones" de Wendy et présentation du grand méchant, l’élégant Herr Wagner. Le retour au calme du château familial boucle pour de bon une mise en place que n’aurait pas boudé le duo Spielberg-Lucas. Le problème ,c’est que c’est assez convenu et que, graphiquement, cette scène qui se veut tout en mouvement reste terriblement figée. C’est un regret car on sent qu’il ne manque pas grand-chose. Les cadrages sont particulièrement inventifs, les décors magnifiques, mais on se prend à rêver de ce qu’un Franquin, maître es-mouvement aurait fait de cette séquence...

Une fois passée cette introduction Lara Croftienne, on entre dans le vif du sujet. L’intrigue se fait plus dense, l’action plus posée et on sent Christophe Quet beaucoup plus à l’aise. Les personnages prennent peu à peu corps, les décors africains sont sublimes ... Un voyage "Au cœur des Ténèbres" à la Conrad se dessine petit à petit pour le plus grand plaisir du lecteur.

Le scénario de Fred Duval est, comme d’habitude, réussi. À l’instar de "Hauteville House", l’histoire est riche sans être compliquée, dense sans être fouilli. Le sentiment de lire une intrigue complexe sans la moindre pénibilité est l’un des réels talents de Fred Duval constaté au fil des albums qu’il signe.

Malheureusement, le tout nous laisse un sentiment de pétard mouillé : tout est là mais malgré tout, ça n’explose pas.

Deux ingrédients pêchent : les dialogues qui, à force de vouloir réinscrire la petite histoire dans la Grande, se perdent en références, name dropping et allusions contemporaines aussi pompeuses qu’inutiles. Comme une envie constante de prouver que les auteurs ont bien fait leurs devoirs de recherche historique préalable. C’est dommageable, car le scénario comme les dessins en sont la preuve par l’exemple et n’en n’ont pas besoin.

L’autre problème est l’absence de charisme de Wendy. C’est embêtant pour une série qui porte son nom. Dans les faits, il est difficile de ne pas faire la comparaison, même inconsciente avec une Adèle Blanc-sec. De par l’époque bien sûr, par son côté investigatrice, indépendante et sûre de ses convictions.

Il ne manque qu’un rien à cette série pour décoller pleinement, et le cliffhanger de la dernière page donne une envie furieuse de lire la suite. Les écueils qui nous empêchent d’être dithyrambiques ne sauraient en aucun cas prendre le pas sur les qualités décrites plus haut, car cette série a tout le potentiel pour rencontrer son public.