Que Blueberry ne soit pas Belmondo, on s’en doutait. La tronche de Vincent Cassel est sur tous les magazines. L’acteur français, en revanche, incarne parfaitement le cow-boy : sa dégaine, son jeu, son œil en coin... On entre très vite dans la peau de ce personnage que l’on voit jeune voler de l’argent, courir les filles et tuer son prochain avant d’endosser l’étoile de Marshall. On reconnaît ce Blueberry-là.
Les Chamans non plus ne déméritent pas et le rituel de l’absorption du peyotl, s’il fait sa révérence à Castadena et à Jodorowsky, n’a pas de quoi donner des haut-le-cœur horrifiés. On apprécie le clin d’œil quand on voit tout à coup Giraud en cow-boy au détour d’une scène. Mc Clure l’alcoolo, Prosit le Prussien de La Mine de l’Allemand perdu sont là et, oui ma foi, ressemblants. Qu’importe si le beau Mike est devenu un Cajun, si son enfance -on l’ignorait jusque là- est marquée par le meurtre de son premier amour de jeunesse. Qu’importe si Kounen, avec la bénédiction de Giraud, en a fait un rescapé de la magie indienne. Tout cela est cohérent, même si les héritiers de Jean-Michel Charlier ont fait retirer le nom du scénariste du générique... Ce n’est pas là que cela pêche.
L’accroc, c’est que pendant cinquante minutes, on nous présente deux hommes, Blueberry et Wally Blount, dressés l’un contre l’autre, figures jumelles du bien et du mal, prêtes au combat. La tension dramatique est impeccablement profilée :le Marshall initié, partagé entre les croyances innées et acquises, est réceptif aux signaux subtils que lui envoie le voleur d’âmes incarné par Michael Madsen. On s’attend à un combat final, à une apothéose. Hélas, non. Cette tension si patiemment élaborée se dissout inexplicablement dans un ballet numérique de serpents, d’arachnides et de scolopendres qui rend aussi bien à Matrix qu’à Alien, sans cependant dépasser, ni même égaler, ses modèles.
Dans le dossier de presse du film, Giraud annonce que la chevauchée de Blueberry ne s’arrêtera pas à cette étape initiatique. Un feuilleton télé est prévu , de même qu’une série de dessins animés. C’est heureux : il ne faudrait pas que ce mythe de papier se résume à ce magique exercice de style, fut-il inoubliable.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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"Blueberry, l’expérience secrète", en salle le 11 février 2004.
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