Alors âgé de 6 ans, Keiji Nakazawa survécut à la bombe atomique. Il y perdit son père, peintre et dessinateur comme lui qui lui a transmis sa vocation, sa sœur aînée, sa plus jeune sœur et son plus jeune frère. Seuls Keiji, sa mère et deux de ses frères qui n’étaient pas à la maison au moment de la déflagration mais dans un espace protégé, survécurent à la tragédie. Au décès de sa mère, il s’aperçut que ses os étaient complètement nécrosés du fait des effets secondaires de la bombe.
En dépit de ces drames, Nakazawa obtint son BAC et habita Tôkyô en 1961, où il devint créateur de mangas, un genre alors en pleine expansion. À la mort de sa mère en 1966, à l’âge de 60 ans, il entreprit de réaliser Gen d’Hiroshima (Hadashi no Gen, littéralement : Gen, le va-nu pieds), un livre-témoignage accablant sur l’expérience de la bombe, dont la réalisation lui prit 13 ans. "Ma mère décéda à l’âge de 60 ans. Quand nous avons incinéré son corps, Elle n’avait plus d’os. J’ai pensé que le rayonnement de la bombe atomique avait détruit jusqu’à sa matière osseuse. Cela m’a révulsé. Je décidai aussitôt de faire une BD qui raconte la bombe. La BD est un média idéal pour pratiquer ce type de témoignage car le caractère immédiat de sa lecture en permet un accès facile à quiconque " nous racontait-il en 2003. La BD parut dans Weekly Shônen Jump en 1973.
Gen d’Hiroshima est un roman graphique fondateur de la vague des témoignages qui vont déferler dans la bande dessinée dans les années qui suivent. Il a vendu près de 6,5 millions d’exemplaires dans le monde et a été traduit en dix langues dont le français, aux éditions Vertige Graphic. La série connut deux adaptations en dessins animés et un dramatique TV au Japon.
Nakazawa avait offert les 2735 originaux de sa BD ainsi que les documents y afférents au Mémorial pour la paix d’Hiroshima. Il avait envisagé de donner une suite à ce chef d’œuvre, mais une maladie des yeux l’en empêcha.
Il nous laisse néanmoins un témoignage unique dont Art Spiegelman, dans sa préface de l’édition américaine, a écrit : « La plus grande vertu de ce travail est son abrupte et totale sérénité. Sa conviction et son honnêteté nous permettent de croire à l’incroyable, à l’impossible qui pourtant se produisit à Hiroshima. C’est l’art inexorable du témoignage. »
Gen d’Hiroshima avait reçu le Prix du Meilleur manga en Allemagne à Erlangen en 2006 et le Prix ACBD Asie en 2007.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Lire sur ActuaBD.com :
Entretien avec Keiji Nakazawa, l’auteur de « Gen d’Hiroshima » (20 juillet 2003
La Bombe en héritage (dossier en 4 parties)
Publication de Gen d’Hiroshima en poche
En médaillon : Keiji Nakazawa. Photo DR - Project Gen
Participez à la discussion