Né en 1930 à New York, John Romita a débuté sa carrière de dessinateur de comics à la toute fin des années 1940, quand il devint prête-plume chez Timely Comics, l’ancien nom Marvel Comics, pour un autre dessinateur.
Au début des années 1950, alors appelé sous les drapeaux, il servit en tant que dessinateur de posters patriotiques et poursuivit sa collaboration en son nom propre avec Timely, devenu Atlas Comics, pour des histoires courtes dans divers genres, que soit l’horreur, le western, la romance, etc.
Il participa également à la continuation pour une brève période (1953-1954) de Captain America, parmi d’autres personnages des années 1940 aux séries interrompues entre temps qu’Atlas essayait vainement de relancer. Il faudra attendre 10 ans de plus pour que ce personnage renaisse pour de bon dans les pages de la série Avengers, sous le crayon de Jack Kirby. Romita lui-même a affirmé [1] avoir été fortement influencé à ce moment-là la fois par le travail de Kirby, co-créateur du personnage en 1941, et par son idole en dessin, Milton Caniff, l’auteur entre autres de Terry et les pirates.
De la fin des années 1950 au milieu des années 1960, Romita travailla anonymement (une pratique largement répandue à l’époque) pour DC Comics sur des titres de romance, un genre qui connaissait alors un vrai succès éditorial depuis sa création par le tandem Joe Simon & Jack Kirby en 1947. Romita produisit de nombreuses couvertures pour DC, mais regretta dans de nombreuses interviews postérieures que l’éditeur ne lui ait pas proposé de travailler dans d’autres genres. La méthode de création des histoires de romance est notable : la couverture du comic était créée en premier, et le scénariste devait ensuite écrire une histoire inspirée de cette couverture.
Après l’arrêt des comics de romance et ne recevant plus de travail de la part de DC, Romita quitta pour de bon l’éditeur de Batman et Superman et retourna travailler chez Marvel en 1965, tout d’abord comme encreur, à sa propre demande. Stan Lee, qui craignait que le travail de l’artiste sur les titres de romance n’ait limité ses capacités de narrateur, lui montra les découpages de Kirby. Romita comprit vite ce que Lee recherchait et reprit bientôt son poste aux crayonnés, d’abord sur Daredevil puis, dès le départ de Steve Ditko l’année suivante, sur Amazing Spider-Man.
L’artiste travailla sur le web-crawler pendant plus de sept ans, la plupart du temps aux crayonnés, mais aussi aux découpages pour d’autres artistes [2]. Le départ de Ditko sur ASM ne nuisit pas aux ventes du titre qui s’améliorèrent même, ce qui rendit John Romita particulièrement fier. Nul doute que sa capacité à dessiner des personnages féminins à la mode contribua au succès de la série.
L’une des planches les plus célèbres de Romita est d’ailleurs la présentation à l’été 1966 du personnage de Mary Jane, dont le visage était resté jusque-là dissimulé. La rousse au caractère volcanique va dès lors faire une sérieuse concurrence à Gwen Stacy, pour un trio amoureux qui n’est pas sans rappeler celui de Betty, Veronica et Archie.
Au début des années 1970, Romita commença à assurer d’autres tâches, comme la correction des dessins de collègues, le crayonné de couvertures ou le découpage de planches. Tout cela l’amena à devenir le directeur artistique de Marvel en 1973, poste qu’il occupa jusqu’à la fin des années 1980. Cela ne l’empêcha pas de continuer à dessiner, par exemple pour le strip de Spider-Man destiné aux quotidiens, depuis son lancement en 1977 et pendant quatre ans [3].
Durant cette période, il réalisa également le design de nouveaux personnages, comme celui de Wolverine, qui apparaît pour la première fois dans The Incredible Hulk en 1974.
Romita continua à dessiner jusqu’à la fin des années 2000 pour divers projets spéciaux, comme par exemple le numéro 100 de Daredevil Vol. 2, paru en 2007. Il réalise deux pages pour ce numéro-anniversaire, dans le style des comics de romance des années 1950 et 1960.
L’héritage de John Romita reste très riche : en plus de la brillante carrière de dessinateur de son fils, John Romita Jr., son influence se fait toujours sentir à travers le travail de dessinateurs l’ayant connu comme directeur artistique. De nombreux hommages ont été exprimés après sa mort, dont celui de P. Craig Russell. Celui-ci a présenté sur son site un design de couverture de 1975 réalisé par Romita pour la série mettant en scène Killraven, alors dessinée par un Russell encore débutant.
Le dessinateur de Coraline et L’Étrange Vie de Nobody Owens commente cette publication en racontant que « Johnny a donné à ce blanc-bec plusieurs leçons en découpage et en design dans son bureau chez Marvel - ses critiques restant toujours gentilles et l’exécution du dessin toujours rapide. »
John Romita (Sr.) restera dans l’histoire des comics comme l’un des artistes les plus importants de sa génération, de par son talent de dessinateur et de narrateur, qui allie l’élégance du trait et le dynamisme du découpage, ainsi que par son travail de responsable artistique qui, de nombreux témoignages l’attestent, sut influencer sans les brimer d’innombrables artistes.
(par François Peneaud)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
[1] Source : interview de l’artiste.
La photo en tête de cet article a été prise par Mark Evanier.
[2] Les numéros des années 1970 à 1972 d’Amazing Spider-Man viennent d’être republiés en français.
Ils contiennent également des numéros dessinés par Gil Kane.
[3] De récents albums en français reprennent ces strips.
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