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"Les autres Gens", un autre genre de BD numérique

Par Thierry Lemaire le 9 mars 2010                      Lien  
Avec "Les autres gens", feuilleton démarré le 1er mars dernier, Thomas Cadène et ses complices se lancent dans une bédénovela numérique à la fois originale et ambitieuse.

La bande dessinée numérique n’a pas encore trouvé sa voie commerciale (certains ajouteront qu’elle est loin d’avoir exploité tout son potentiel artistique). Les cerveaux bouillonnent, et pas seulement ceux des gros éditeurs. Entre les plateformes de téléchargement en tout genre (Izneo, la dernière en date initiée par Média Participations, entrera en action pour le Salon du livre de Paris à la fin du mois), l’édition communautaire de Sandawe et d’une autre manière de Manolosanctis, la BD en ligne façon Foolstrip, la prépublication gratuite sur le net de Gabrion et les blogbds, le champ des possibles se révèle bien plus étendu que celui du support papier. Avec un concept original, Thomas Cadène, scénariste et cocréateur du PPPIFBDM, apporte sur Internet sa pierre à l’édifice.

"Les autres Gens", un autre genre de BD numérique
Une case de l’épisode dessiné par Bastien Vivès

"Les autres Gens", c’est avant tout une initiative et une aventure d’auteurs. Une idée lancée en l’air et reprise au bond, sans l’aide d’une maison d’édition, dont le résultat est une création originale, spécialement réalisée pour Internet, emmenant le lecteur dans un feuilleton au long cours au rythme d’un épisode par jour. Basée sur une lecture case par case classique, bien connue des utilisateurs de smartphones (si la série n’est proposée pour l’instant que sur Internet, elle peut s’adapter parfaitement au format téléphone), l’histoire se déroule à raison d’une quarantaine de vignettes par épisodes, exercices de style parfaitement maîtrisés. La lecture de chaque épisode peut paraître relativement rapide, mais en faisant le calcul, on se rend compte que ce sont ainsi deux albums de 48 pages qui sont proposés chaque mois.

Celui de Vincent Sorel

L’une des particularités de la série repose sur le nombre des auteurs. Si Thomas Cadène est le seul scénariste à la barre, 20 dessinateur(trice)s vont se succéder pour illustrer ses vagabondages urbains. Un élément de plus pour aiguiser la curiosité du lecteur et augmenter l’addiction. C’est une véritable wild bunch de jeunes talents qui est convoquée ici. Les primés Bastien Vivès, Camille Jourdy, Chloé Cruchaudet et Tanxxx emmènent dans leurs sillages Sébastien Vassant, Nicolas Némiri, Aseyn, Clotka, Manu XYZ, Alexandre Franc, Bandini, Erwann Surcouf, Marion Montaigne, Niko Henrichon, Olivier Martin, Philippe Scoffoni, Singeon, The Black Frog, Thomas Allart et Vincent Sorel (ma foi, pourquoi se priver de tous les citer ?), très peu n’ayant jamais été publiés. Variété des styles, des traitements, des plans, appropriation du rythme du "case par case" rendent la lecture passionnante.

Celui d’Aseyn

Et l’histoire alors ? Et bien le lecteur suit la vie de Mathilde, étudiante parisienne dont la vie est bouleversée par le gain de 30 millions d’euros au loto. Une immersion dans le quotidien de la jeune femme et de ses proches. Qu’on ne se méprenne pas sur la nature de ce feuilleton. On est évidemment plus proche ici d’Eric Rohmer ou de Woody Allen que des Feux de l’amour ou de Plus belle la vie. Et contrairement à certaines autres expériences comme celles de Frantico ou de Chicou-Chicou, "Les autres Gens" ne versent pas dans la parodie ou le clin d’œil. Le principe du feuilleton est clairement assumé et c’est une fine comédie de mœurs qui se met en place, décrivant avec délicatesse les interactions entre les personnages, utilisant comme ressorts les dilemmes ou les failles de l’être humain. Pas étonnant que Bastien Vivès soit de la partie. Le tout est très convaincant, par les rouages bien huilés de l’intrigue et la qualité des dialogues (auxquels s’ajoute la réjouissante absence de cynisme dans le propos).

Celui de Bandini

Reste le problème épineux de la rentabilité. Comme le dit lui-même Thomas Cadène, "l’idée n’est pas de "ne pas perdre" d’argent mais d’en gagner, l’idée c’est qu’on peut payer correctement les auteurs pour leurs épisodes. C’est aussi ça notre révolution. Si on doit "perdre de l’argent" on arrêtera. Le dessinateur est en général fatigué de travailler pour la gloire ou "parce que tu verras ça te fera de la pub" ou à ses frais..." Si les épisodes du mois de mars sont gratuits, à partir d’avril, la consultation sera payante, avec trois formules d’abonnements aux prix très attractifs de 2,79 euros par mois, 15 euros par semestre ou 29 euros par an. Thomas Cadène préfère garder pour lui les objectifs du site et le nombre d’abonnés nécessaire pour que le projet soit rentable (n’oublions pas le coût de départ du développement du projet et de l’appel à des professionnels du web), mais connaissant le prix des abonnements, les projections sont assez simples à faire.

Celui de Clotka

Rendez-vous donc dans quelques semaines pour faire un premier bilan de cette initiative rafraîchissante, émancipée d’un quelconque éditeur. Si le site a déjà réussi son pari en terme d’abonnés gratuits et de critiques favorables, le passage au payant sera un test pour "les autres Gens".

Et celui d’Alexandre Franc. Fin de la première semaine.

(par Thierry Lemaire)

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