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"Lonesome", le retour d’Yves Swolfs au Western

Par Charles-Louis Detournay le 4 novembre 2017                      Lien  
Le Lombard inaugure une nouvelle série, un western qui plus est, un genre qui a le vent en poupe. Et l'éditeur bruxellois s'offre l'un des meilleurs auteurs de la catégorie : Yves Swolfs, qui n'avait plus dessiné de Western, "Durango" en particulier, depuis près de vingt ans !

"Lonesome", le retour d'Yves Swolfs au WesternEn 1978, dès sa sortie de l’école Saint-Luc de Bruxelles où il suivit notamment les cours de Claude Renard, le jeune Yves Swolfs se consacre à sa passion : le western, porté par l’influence "Spaghetti" popularisée par Sergio Leone. La suite est connue : sa série Durango devint rapidement un grand succès populaire.

Durango : une longue chevanchée

Avec douze albums réalisés en treize ans, Swolfs installe durablement son héros ambivalent. Scénario axé sur des personnages aussi attachants que parfaitement repoussants, graphisme méticuleux, et les couleurs de son épouse Sophie : rien n’est laissé au hasard. À la fin de ces douze tomes, l’auteur laisse son personnage prendre du repos auprès d’une jeune femme qui est parvenue à dompter ses démons. Et même si Durango retrouve les routes poussiéreuses le temps d’un album en 1998, c’est pour mieux achever sa rédemption.

La première planche de "Durango"
Durango, T1 : Les Chiens meurent en hiver - Swolfs

Si Swolfs accorde ces moments de repos à son héros poussiéreux, c’est pour mieux développer d’autres séries qu’il dessine, dont Dampierre, Légende et l’emblématique Prince de la Nuit. Il devient également scénariste pour d’autres dessinateurs, en créant entre autres les séries Vlad, James Healer, Black Hills 1980.

Puis, surprise en 2006, Durango revient : mais, son expérience positive du scénario aidant, Swolfs passe le crayon à Thierry Girod, que les lecteurs avaient déjà découvert avec la série Wanted. En trois tomes publiés entre 2006 et 2012, le tandem Girod-Swolfs prit de court toux ceux qui croyaient que Durango retraité. Le scénariste a réveillé son porte-flingues pour l’envoyer dans le récit d’une vengeance implacable, symbole d’une Amérique contemporaine en proie à ses vieux démons.

La première planche du "Prince de la Nuit"
Le Prince de la Nuit, T1 : Le Chasseur - Swolfs - Glénat
Yves Swolfs
Photo : Charles-Louis Detournay

Retour au western

Il a encore fallu attendre 2016 pour que le 17e tome de Durango sorte en librairie, dessinée cette fois par Iko. Un album qui s’avère être une nouvelle pause dans la série… Comme nous le confirmait Swolfs en nous révélant ses futurs projets où le western est présent mais pas Durango : « C’est un retour aux sources : je me replonge dans le western ! J’aurais pu reprendre Durango puisque Iko, qui a réalisé le tome précédent, doit maintenant terminer sa série « Ténèbres ». D’autant que lors d’une exposition l’an dernier, j’ai pu mesurer un réel engouement pour les planches et illustrations autour de la série. Mais je craignais l’impression de déjà-vu et le sentiment de retourner en arrière. J’ai donc préféré la création d’un nouveau personnage, d’une nouvelle série, avec le plaisir, le regain d’adrénaline et aussi les risques que cela comporte. »

« Le récit se déroulera juste avant la Guerre de sécession. Le scénario comporte pas mal d’éléments spécifiques à cette période précise. Le premier tome aura toutes les caractéristiques du "western rugueux à la Swolfs"... mais posera aussi les bases d’un récit qui emmènera le personnage principal (et le lecteur) sur des chemins inattendus. Même si mon personnage principal a des points communs avec Durango, par la force des choses, puisque c’est mon type de héros de western, je veillerai à ce qu’on ne puisse pas les confondre... »

La première planche de "Lonesome"
Lonesome, T1 : La Piste du Prêcheur - Swolfs - Le Lombard

Lonesome au Lombard

Renonçant momentanément à Soleil et Glénat chez qui il publie ses albums dessinés depuis plus de vingt ans [1], Swolfs s’est tourné vers le Lombard pour cette nouvelle série intitulée Lonesome, un titre qui souligne l’aspect du héros solitaire et implacable, cher à son auteur. L’éditeur lui ouvre d’ailleurs toutes grandes les portes de sa maison, en éditant une version en noir et blanc à tirage limité de ce premier opus, suivie par la publication de l’album en couleurs en janvier prochain.

Swolfs situe sa série dans une petite ville du Kansas, en janvier 1861. À quelques mois du début de la Guerre de Sécession, des agitateurs chauffent les esprits des deux côtés de la frontière avec le Missouri. Abolitionnistes et perclus de dettes, les fermiers du Kansas voient d’un mauvais œil les riches planteurs du Missouri qui utilisent l’esclavage pour s’imposer. L’un de ces agitateurs est le prêcheur Markham. Avec sa horde de fanatiques, il fait régner la terreur tout au long de la frontière avec l’état voisin, en laissant derrière lui des cadavres de femmes adultères, enveloppées dans le drapeau confédéré.

Lonesome, T1 : La Piste du Prêcheur - Swolfs - Le Lombard

Sur ses traces, un cavalier semble déterminé à tout mettre en œuvre pour faire cesser cette équipée sanglante. Aussi rapide au revolver que précis avec sa carabine Henry, ce cavalier cache des secrets inattendus. Né dans l’aristocratie de l’Est, il a pourtant passé son adolescence au milieu des Indiens. Ces derniers lui ont d’ailleurs appris à dominer son étrange don : percevoir des images du passé et parfois du futur des personnes avec lesquelles il entre en contact. Des pleines enneigées du Middle-West jusqu’aux ruelles sombres de New York, la quête de vengeance et d’identité entrainera ce cavalier dans un affrontement épique, aux frontières du surnaturel.

Déjà un classique du western

Yves Swolfs renoue avec le dessin d’un western crépusculaire au plaisir évident. L’auteur rend de nouveau hommage au western spaghetti dans une première planche en travelling, un découpage qu’il affectionne depuis de nombreuses années. Car in fine, c’est effectivement le grand atout graphique de Lonesome : retrouver le trait de Swolfs, sa technique de cadrage, ses perspectives, et ses plans larges. Jouant sur les clichés du genres, clichés qu’il a d’ailleurs contribué à perpétuer en bande dessinée, Swolfs signe ici quelques-unes de ses planches les plus réussies de sa carrière, des pages magnifiques, à l’atmosphère âpre, dignes des plus flamboyants westerns.

Lonesome, T1 : La Piste du Prêcheur - Swolfs - Le Lombard

Quant au scénario, Swolfs a su se glisser intelligemment dans les ferments de la Guerre de Sécession. Quoique bavards, les dialogues installent efficacement l’affrontement entre le héros et de riches et comploteurs exploitants. Manichéen, le récit n’évite pas non plus les poncifs du genre. Mais c’est justement ce jeu des références qui a fait le succès de Durango !

Certains surprises permettent également à Lonesome de conférer à la série l’aspect fantastique des visions du héros. Suffisamment interpellantes sans être trop envahissantes, ces visions ne devraient pas trop déstabiliser les amateurs de western purement réaliste. Au mieux, elles permettent d’accélérer l’intrigue, afin que ce premier tome soit mené tambour battant, dans un rythme effréné de 54 planches. Enfin, les prémices de la conspiration pilotée par un étrange meneur est un des éléments qui maintiennent l’intérêt du lecteur, une fois refermé ce volume.

Lonesome, T1 : La Piste du Prêcheur - Swolfs - Le Lombard

On ne peut donc que conseiller aux amateurs de Swolfs et de Durango de chevaucher à brides abattues pour se procurer ce nouvel album. En particulier le tirage noir et blanc limité à deux milles exemplaires doublé d’un cahier graphique. Sans doute le meilleur album de Swolfs depuis une dizaine d’années !

(par Charles-Louis Detournay)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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Code EAN : 9782803672585

La version noire et blanche est déjà dans les librairies

Lire les premières pages de Lonesome sur le site du Lombard

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À propos d’Yves Swolfs, lire également sur ActuaBD.com :
- une interview réalisée l’année dernière : "On n’ose pas dire qu’on aime Durango"
-  Les trois parties d’une autre longue interview réalisée en 2015 :

-  Les chroniques des derniers albums de Durango : tomes 14 Un Pas vers l’enfer et 17 Jessie
-  Une précédente interview de Swolfs : "Je voulais me frotter à une autre génération d’auteurs" (2006)

[1Exception faire du T. 13 de Durango toujours publié chez Alpen Publishers en 1998.

 
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