Enfin, durant ce dernier grand virage, Tomomi Sumiyama dévoile les raisons fondamentales de la guerre qui oppose les révolutionnaires et le gouvernement en place. Un désir élitiste de maintenir une seule "race" au pouvoir et d’anéantir les autres comme ce fut déjà le cas en début de série. De quoi se remémorer les différentes guerres qui ont jalonnées l’histoire. Les Colons envahissants l’Amérique du Nord en piétinant les Amérindiens, les Conquistadors massacrants les peuples centre et sud-américains, l’esclavage de centaines de milliers d’Africains, les Japonais décimant les Aïnous… sans oublier Hitler et sa cruauté envers les Juifs. Le tout, parfois, avec la complicité de personnes improbables qui se retrouvent dans le traité entre le village d’Alhuma et l’armée pour épargner un groupe de montagnards au détriment des autres.
Autant dire que l’autrice met en avant l’avilissement de certaines ethnies au détriment d’une élite en place dans le gouvernement, quitte à user de moyens illicites comme la distribution de drogue à grande échelle. Une tragédie humaine menant à des conflits armés sans précédent, des villages rasés de la carte, des innocents massacrés et pourtant, l’espoir. Un désir ardent que la guerre amène un jour la paix dans ce monde ravagé, à l’image de tant de récits historiques bien réels. Les armes contre les prières, une dévotion sans limite pour Yuri qui est prêt à se sacrifier en tant que chef spirituel dans l’espoir vainc que les dieux interviennent en sa faveur.
Mais elle met aussi en avant des liens forts, notamment l’amour de Ran pour son ami d’enfance, Yuri. L’implication héroïque de la cheffe Harui envers son peuple et sa région, le soutien des villageois et des proches, … Tout un réseau d’entraide et de fraternité qui mènera la révolte à sa première victoire. Un premier pas décisif vers une paix durable, avec pourtant, encore tant de défis à relever. Un récit qui se sera voulu réaliste de bout en bout, avec néanmoins une fin ouverte pleine d’espoir, loin des premiers objectifs de Tomomi Sumiyama qui pensait achever sa série sur une note plus sombre et dramatique.
Une série qui aura eu un parcours atypique ; d’abord éditée en France avant de rejoindre les magazines du Japon, mais qui mérite amplement son succès. Un récit épique reflétant une réalité palpable aux quatre coin du monde, nous faisant réaliser les motifs parfois – toujours – insensés d’une guerre, avec un graphisme époustouflant qui aura tenu la cadence jusqu’à ce 10e et dernier tome !
(par Marc Vandermeer)
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Lost Children T. 10. Auteure : Tomomi Sumiyama. Editeur : Ki-oon. 143 pages. Sortie : le 19 janvier 2023. Prix : 7,95 euros.
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