Certains arguments de l’article sont connus : Tintin est un éternel célibataire, à qui on ne connaît aucune liaison féminine tout au long de ses aventures. Facteur aggravant, c’est un ancien boy-scout lié aux milieux catholiques belges les plus réactionnaires (via son employeur le Petit Vingtième) : un terreau plus que favorable donc !
Mais d’autres sont si ouvertement tirés par les cheveux, que cet article tout en finesse et en ironie devait à l’évidence être lu au 36ème degré. Qu’on en juge :
Tintin est journaliste, mais on ne le voit jamais rendre d’article ; on peut en déduire qu’il n’est pas journaliste, mais espion ; et tout le monde sait que les gays sont attirés par les services secrets ("I myself applied for and was offered a post in MI6" - J’ai moi-même postulé avec succès au MI6, écrit Parris).
De 1929 à 1983, il ne prend pas une ride ; or tout le monde sait que les gays ne vieillissent pas aussi vite que les autres (il utilise probablement une bonne crème).
Tintin emménage, après quelques années, dans le château d’un marin plus âgé que lui, le capitaine Haddock, alcoolique et émotionnellement perturbé avant de le rencontrer, mais qui se stabilise à son contact.
Ses amis sont tous des hommes, à l’exception de la Castafiore – une fille à pédé selon Parris, qui, comme par hasard, refuse de se souvenir du nom du capitaine Haddock, lequel la déteste cordialement. Parmi eux, les Dupont-Dupond, "flamboyant couple moustachu" rencontré "en croisière" ("on a cruise"…), qui aiment à se travestir, par exemple en portant des costumes d’opéra chinois dans Tintin et le Lotus Bleu.
Tintin fait le guet
envoyé par Banniwam
Une hilarante parodie de Tintin reprise sur le site Yagg
Les médias français manqueraient-ils d’humour ? Tous ou presque ont réagi au premier degré. Le Figaro convoque ainsi le psychiatre et tintinophile Serge Tisseron, lequel, ayant défini un peu maladroitement l’homosexualité comme "le choix d’une pratique sexuelle explicite", estime que, plutôt que gay, on peut dire que Tintin est asexué, comme d’ailleurs toute l’œuvre d’Hergé. Le titre de l’article, "On a marché sur Tintin", suggère au passage que le simple fait d’émettre l’idée que Tintin puisse être homosexuel revient à le salir…
Sur France Info, Bob Garcia rappelle que l’œuvre d’Hergé a fait l’objet d’innombrables interprétations, y compris sur la sexualité de Tintin, et cite des extraits soigneusement choisis des Métamorphoses de Tintin de Jean-Marie Apostolidès (et non Podalydès). Frédéric Martel, auteur du Rose et le Noir, également invité par David Abiker, réagit avec une ironie distante, comme on aurait dû le faire plus largement… Car plutôt que de parler de "récupération par la communauté gay", ne pouvait-on faire preuve d’un peu d’humour, mille sabords ?!
(par Arnaud Claes (L’Agence BD))
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En médaillon : une couverture de Croc, magazine d’humour québécois.
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