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Trondheim, on aime !

Par Didier Pasamonik (L’Agence BD) le 10 septembre 2012                      Lien  
S'il est un auteur qui se distingue en cette rentrée BD 2012, c'est une fois de plus ce satané Trondheim ! L'auteur de Ralph Azam publie ce mois-ci chez Dupuis, comme scénariste, pas moins de deux albums signés par des dessinateurs d'exception : Matthieu Bonhomme et Guillaume Bianco. Il est fort, ce Trondheim!
Trondheim, on aime !
Zizi Chauve-souris T1 : Cheveux rester de Trondheim & Bianco
Ed. Dupuis

On ne présente plus Trondheim, tête à claques fondateur historique de L’Association, Grand Prix d’Angoulême 2006 (il aurait récemment, dit-on, claqué la porte de l’Académie des Grands Prix, comme Morris, la classe !) qui, à peine nommé, a transformé avec Benoit Mouchart la nomenclature des prix en un cloaque conceptuel seulement compréhensible par un petit club fermé de snobs parisiens, aidé à pousser dehors le sponsor patron de la grande distribution Michel-Édouard Leclerc, qui a du être très motivé à vendre des BD depuis, et insulté au passage quelques journalistes "incompétents", forcément.

Mais ce n’était là que potacheries et pignolades de façade, car l’homme est d’une grande gentillesse sous son masque de rapace. Ce qui ne l’empêche pas de témoigner d’une dévorante ambition. En quelques années, il lancé chez Delcourt, Shampooing, une collection à succès qui publie pas moins de trois albums de Bastien Vivès cette année (Trondheim ne "surproduit" pas, il donne au public ce qu’il demande) ; il a repris avec ses copains le contrôle de L’Association et a hypnotisé Frédéric Niffle, le rédac-chef de Spirou, au point qu’il est devenu l’homme fort de l’hebdomadaire de Marcinelle, scénarisant ou dessinant par moments la moitié du journal. De Trondheim, on connaît d’ordinaire l’œil vif et le bec redoutable, il faudra commencer à regarder ce qu’il tient dans ses serres...

Car en élisant Trondheim parmi leurs pairs en 2006, les membres de l’Académie des Grands Prix ne se trompaient pas : On n’atteint pas ce degré d’influence sans un talent exceptionnel et les deux nouveautés qu’il dégaine ce mois-ci en sont la parfaite illustration.

Il y a d’abord cette Zizi, Chauve-souris dont le tome 1 est sorti début septembre. Zizi est une petite fille facétieuse qui n’a pas sa langue dans sa poche, en particulier lorsqu’il faut dégoûter le nouveau petit copain de sa mère, célibataire en quête d’un nouveau compagnon, ou lorsqu’il faut répondre à sa maîtresse, ce qui lui vaut de nombreuses punitions.

Heureusement, un vent favorable a jeté dans la forêt des cheveux de la gamine une chauve-souris qui y a élu domicile et avec qui elle entretient une revigorante complicité. La créature de la nuit s’accorde parfaitement à son imagination fantasque peuplée de dragons et de loups-garous.

Zizi Chauve-souris T1 : Cheveux rester de Trondheim & Bianco
Ed. Dupuis

Intelligente, pétillante, la série Zizi est taillée sur mesure pour Guillaume Bianco. Ce créateur passé de Shanghai à l’atelier Gotfferdom de Christophe Arleston, a été révélé au grand public en 2010 avec un titre inaugural de la collection Métamorphoses chez Soleil, Billy Brouillard (3 titres parus). Nous n’avions pas manqué de vous en parler. Le scénario de Trondheim colle parfaitement aux univers habités du Toulonnais et il ne fait aucun doute que cette série, taillée sous forme de strips pour paraître dans des quotidiens et dont le terreau est suffisamment riche pour nourrir un film d’animation, sera l’un des points forts du catalogue Dupuis dans les années à venir.

Texas Cow-boy de Trondheim & Bonhomme
Ed. Dupuis

Il y a ensuite cet incroyable Texas Cowboys dont Trondheim signe le scénario pour Matthieu Bonhomme, là encore un dessinateur d’exception.

De Bonhomme, on connaît Esteban, Messire Guillaume (avec Gwen de Bonneval au scénario, Ed. Dupuis) ou Le Marquis d’Anaon (avec Fabien Vehlmann, Ed. Dargaud). Il est l’un des meilleurs talents de sa génération, grand espoir d’une bande dessinée "tous publics". "Sacré Bonhomme !" titrions-nous.

Son dessin classique témoigne d’une grande maîtrise graphique capable d’appréhender tous les univers de l’aventure. Il le prouve une fois de plus avec ce western époustouflant où, en dépit de flashes back un peu abrupts à la limite du conceptuel, le lecteur est emporté dans une chevauchée digne d’un John Ford revisité par Goscinny. Nous ne sommes pas loin de la parodie (renforcé par l’aspect de l’album, découpé en feuilletons, avec des couvertures inspirées des Dime Novels), tout en restant dans la fascination pour ce récit de genre qui a marqué l’histoire du cinéma. On pense aux Charlier & Giraud de Blueberry et l’on goûte pleinement l’hommage, tant Bonhomme parvient à rendre le vibrato et la plénitude graphique du grand dessinateur récemment disparu.

Trondheim réussit donc sa rentrée avec deux albums virtuoses, bien représentatifs de la qualité de la création d’aujourd’hui.

Texas Cow-boy de Trondheim & Bonhomme
Ed. Dupuis

(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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8 Messages :
  • Trondheim, on aime !
    10 septembre 2012 15:24, par jérôme

    "à peine nommé, a transformé avec Benoit Mouchart la nomenclature des prix en un cloaque conceptuel seulement compréhensible par un petit club fermé de snobs parisiens"
    Il me semblait pourtant que Trondheim avait simplifié cette fameuse nomenclature avec son idée des "essentiels". Une idée depuis abandonnée et remplacée par une myriade de prix aux titres divers et variés.

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    • Répondu par julien le 12 septembre 2012 à  12:57 :

      Moi aussi, je croyais qu’au contraire, on devait à Trondheim une tentative de simplification des prix avec la notion d’Essentiels. Je ne comprends plus rien.
      Une petite explication/précision à ce sujet de l’auteur de l’article ? Merci.

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  • Trondheim, on aime !
    10 septembre 2012 20:38, par Oncle Francois

    Oui, c’est vrai, Lewis Trondheim a toujours été l’un des auteurs les plus lisibles de l’Association (sauf sur Bleu et la nouvelle pornographie, mais bon passons, il devait s’agir d’exercices oubapiens).

    Je me souviens l’avoir rencontré il y a vingt ou quinze ans environ, lors d’une séance de dédicaces. A l’époque, je lui avais courtoisement demandé pourquoi il se dessinait tout le temps en volatile taciturne et renfrogné (j’avais lu son excellent Aproximate Continuum Comix chez Cornélius).

    Il m’avait très gentiment répondu (après m’avoir offert une superbe dédicace !) : "Parce que c’est comme cela que je me vois. J’ai toujours l’air de faire la gueule, et j’ai plutôt un air antipathique, je n’y peux rien, c’est mon visage".

    Cette réponse m’avait ému (moi-même, je cache d’énormes possibilités humaines derrière une physionomie plutôt intimidante ; dans certains cas, il faut savoir gratter la coquille). Mais j’aime la BD et ses auteurs : donc je lui ai répondu : "oui, enfin, bon, si vous n’étiez pas sympa au fond de vous-même, vous ne feriez pas de la BD !

    Il avait acquiescé, avec un rare sourire....

    Ces propos sont véridiques, même si je les cite de mémoire. Je ne pense pas avoir dénaturé les termes de ce bref entretien spontané et informel que je communique à vos lecteurs.

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  • Trondheim, on aime !
    10 septembre 2012 23:13, par JeanJerome

    Qui est ce "on" ? Parce que moi j’aime pas, c’est répétitif, toujours la même chose, le même ton : Ralph Azam une resucée de Donjon en moins bien, Omnivibilis un remake de Celebritiz avec les dialogues déjà lus dans Lapinot, comme son Spirou avec FParme, on a l’impression de lire Richard et Lapinot, Texas Cowboy c’est Blacktown la fraicheur en moins, et ça arrive après le Gus de Blain, ça fait splotch du coup.Zizi Chauve-souris n’est pas plus novateur que Billy Brouillard, déjà très sous Tim Burton et l’atelier mastodonte ressemble à Approximativement mais version Derrick, avec lunettes de vue et viagra. Trondheim n’a plus d’inspiration, il recycle, radote, il l’avait prédit dans Désœuvré et ça se vérifie.

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    • Répondu le 11 septembre 2012 à  01:34 :

      Pour qq’un qu’aime pas vous avez l’air de l’avoir beaucoup lu pourtant.

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      • Répondu par Zombi le 11 septembre 2012 à  10:06 :

        - Si Trondheim était un deuxième Goscinny, ça se saurait (on ne demande pas mieux). Je vois plutôt Titeuf en héritier du petit Nicolas. De mon point de vue, c’est la presse-BD qui a donné le meilleur de la BD, et non la production directe d’albums de BD par tranche d’âge/sexe/catégorie sociale. (D’ailleurs Michel-Edouard Leclerc peut bien se tailler en Belgique ou au Luxembourg s’il en a envie.)

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      • Répondu par Io le 16 septembre 2012 à  16:35 :

        Comment se permettre de critiquer un auteur sans l’avoir jamais lu ? Du moins un livre ou deux... petit panel représentatif du travail de l’auteur, sans lequel toute critique ne serait que bassesse sans matière ?

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  • Trondheim, on aime !
    12 septembre 2012 00:13, par Luke

    "...a hypnotisé Frédéric Niffle, le rédac-chef de Spirou, au point qu’il est devenu l’homme fort de l’hebdomadaire de Marcinelle, scénarisant ou dessinant par moments la moitié du journal."
    "Top Ouf" de Lewis Trondheim, paru dans Spirou en 2010 n’était guère passionnant...Il a fait de bonnes choses, mais ne produit-il pas trop ?

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