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2,4 millions de dollars pour la couverture originale de Batman : The Dark Knight Returns de Frank Miller et Lynn Varley !

Par Pascal AGGABI le 30 juin 2022                      Lien  
AMOUR DOLLARS. Ils étaient là, jeunes et beaux, et ils se sont rencontrés. Ils se sont rencontrés et ils se sont plu, pour décider de faire un bout de chemin ensemble. Un chemin qu'ils imaginaient long comme l'éternité, comme c'est romantique. Qui ? Frank Miller et Lynn Varley ! Lui fier et fougueux auteur de comics, narrateur hors pair plus encore que simple dessinateur ou graphiste, auteur de BD donc, révolutionnaire à ses heures et pas qu'un peu ! Elle, peintre de talent et coloriste, de Miller surtout, toute aussi douée...

Vous l’avez compris, ce romantique bout de chemin ensemble était aussi d’ordre créatif, une pierre blanche posée sur le beau chemin de l’Histoire de la BD. Mais, oui mais, les réalités et ses contingences, comme l’inflation en temps de crise ou les leçons de morale de qui de droit en période de sublimation, nous rattrapent toujours. Triste monde. Ainsi les deux tourtereaux, jusque-là fusionnels, ont commencé à se faire des grimaces, gare aux assiettes qui volent. Dès lors madame est partie, en emportant ses cliques, et pas que, dans l’attente d’un tout légal partage des biens, surtout artistiques, à forte valeur marchande, tandis que pour Miller ça va être la claque, mais il ne le sait pas encore...

Qu’arrive-t-on à faire avec un crayon, de l’encre, de la peinture et beaucoup d’amour ? De talent aussi. Tout simplement, probablement une des couvertures de comics de super-héros les plus iconiques de tous les temps et, certainement, la plus emblématique de ces dernières décennies : celle de Batman : The Dark Knight Returns, mini-série de Frank Miller, publiée en 1986, qui va propulser de nouveau le vengeur à cape de Gotham City vers les sommets et marquer durablement le monde des comics, et pas seulement, de son empreinte !

Un monument de l’art de la BD pour raconter avec texte et images qui aujourd’hui encore sert de mètre-étalon.

2,4 millions de dollars pour la couverture originale de Batman : The Dark Knight Returns de Frank Miller et Lynn Varley !
La mini-série en quatre parties Dark Knight de Miller : légendaire.
© DC Comics, frank Miller.

Une couverture de Batman qui vient d’être adjugée, sur le site de vente aux enchères Heritage Auctions pour la modique somme de 2,4 millions de dollars. Ce qui en fait l’un des dessins originaux liés à la BD les plus chers de toute l’Histoire.

On remarque, parenthèse, que Hergé se trouve en deuxième position derrière l’indétrônable Frank Frazetta.

La couverture mythique. Pour l’occasion Miller a enfilé sa casquette de graphiste, une toute autre manière de penser et un autre talent que celui de narrateur BD. Petite question dont s’amusent les fans : Batman est-il de face ou de dos ?
© DC Comics, frank Miller, Lynn Varley.
Lynn Varley et Frank Miller amoureux, jeunes et beaux : pas une tache d’encre à l’horizon pour ce maître du noir et blanc et cette championne de la couleur. Aujourd’hui, ils ne peuvent plus se voir en peinture.
© DR.

Sur ce dessin de couverture, Miller a dessiné Batman en ombre chinoise pour plus d’impact, alors que Lynn Varley a ajouté sa mise en couleur, contrairement aux habitudes de l’époque, directement sur le dessin original.

Ici à l’aérographe, technique alors en vogue, méthode apprise par Varley sur les conseils d’Olivia De Berardinis, artiste spécialiste ès pin-ups pour le magazine Playboy.

Au début, dans les comics, la palette se réduisait à quelques couleurs primaires et secondaires (mélanges de couleurs primaires). Usuellement, les couleurs primaires étaient surtout réservées aux costumes des héros et les couleurs secondaires aux méchants.
Puis la palette va s’étendre à 64 couleurs et ensuite 128, etc... Jusqu’à l’arrivée des couleurs numériques, majoritaires aujourd’hui. © DC Comics.
Lynn Varley apporte sa touche, ses nuances à la révolution globale que va être Batman : The Dark Knight Returns.
© DC Comics, frank Miller, Lynn Varley.

Amour de l’art entre autres choses, cette affaire, globalement : avec une vente de la couverture de Batman : The Dark Knight Returns, organisée par un collectionneur privé qui l’avait achetée à Lynn Varley, propriétaire légitime et légale de l’œuvre, après son divorce, animé, avec Miller.

Oui mais !

Parce que oui, mais voilà. Si dans la vie l’amour compte, dans les séparations, on compte encore plus, vraiment plus. c’est la vie. Où l’on apprend que Frank Miller et Lynn Varley, c’est piquant, étaient dûment propriétaires dans l’appartement commun, nid de leur amour passionné, mais passé, d’un petit blockhaus personnel pour mettre à l’abri des malfaisants leurs œuvres originales.

Tous les dessins de Miller, répertoriés, y étaient soigneusement stockés.

Autre exemple de colorisation par Lynn Varley comme elle se faisait avant la révolution numérique. Varley a bien bousculé les choses avec sa palette plus subtile. Un beau pas en avant.
© DC Comics, frank Miller, Lynn Varley.
Mise en couleurs sur papier épais sur les dessins de la planche BD reproduits en gris ou bleu.
© DC Comics, frank Miller, Lynn Varley.
Feuille d’acétate transparente avec les dessins reproduits en noir qui est superposée ensuite sur la mise en couleur précédente.
© DC Comics, frank Miller.

Séparation, donc ? Lorsqu’ils ont convenu de répartir et diviser au plus juste, des œuvres d’une grande valeur artistique et commerciale, avec un amour de l’art toujours intact, lui, qui grandissait presque aussi vite qu’une soudaine méfiance toute réciproque : les circonstances ont fait que, désormais, les représentants légaux de Miller et de Varley avaient les clés de cette caverne aux trésors, rêve éveillé pour tous les fans et les collectionneurs.

De fait, l’une ou l’autre des parties pouvait inspecter les œuvres d’art à tout moment, mais devait être accompagnée de l’autre ou de son représentant.

Divorce

Donc on divorce, avec séparation de biens et un accord est passé.

Miller fait pleins de petits croquis préparatoires...
© frank Miller.
Pour ensuite poser ombres et lumières denses et des textures -métal, tissus, etc..
© frank Miller.

Cependant, sûrement nostalgie des amours passés, du cœur, de l’art ou qui sait des dollars : Lynn Varley n’a pas pu s’empêcher de garder quelques croquis de l’ex-élu de son cœur, sans en toucher mot au concerné. La timidité et la passion vous font faire de ces choses, vraiment...

Des documents clefs de son oeuvre, pour mieux l’appréhender.
© frank Miller.
... D’où la tentation romantique d’en garder quelques-uns en guise d’au revoir...
© frank Miller.

Des dessins préparatoires qui, comme Miller ignorait cet "emprunt", ne faisaient pas parti de l’accord passé ensuite...

Des dessins, toujours et encore à forte valeur marchande plus encore que nostalgique, soudain proposés, quelques temps après, sous la table par un marchand spécialisé, à l’initiative de Lynn Varley. .

L’apprenant par la bande, le sang de Miller ne fait qu’un tour. De là, rancunier comme pas deux et bondissant de joie comme on le devine, il porte plainte contre Varley. Qui ne conteste pas, d’ailleurs, qu’elle a bien pris ces dessins sans en informer Miller, tout en claironnant convaincue de son bon droit que, légitimement, comme le dessinateur ignorait les faits, ces croquis ne font absolument pas partie de l’accord précédent, dont acte...

Liste qui par accord légal mutuel avec Miller accorde des oeuvres originales, celle marquées d’un L, à Lynn Varley dans un cadre strict.

Toujours est-il que, au delà des méandres et manoeuvres peu glorieuses du marché de l’art et de quelques sbires : cette couverture de Miller pour Batman : The Dark Knight Returns appartenait légalement à Lynn Varley, qui pouvait ainsi la vendre à un collectionneur. Celui qui dernièrement tout aussi légalement, l’a proposé aux enchères.

Plus généralement, Lynn Varley a récupéré les oeuvres portant ses couleurs.

Les pratiques un peu inconséquentes de Varley et celles de son assermenté vendeur, pour peu glorieuses qu’elles soient, jettent une ombre peu flatteuse sur les usages de certains vendeurs et collectionneurs. Amour de l’art et des dollars n’ont jamais rien eu d’incompatible, on le sait.

Espoir.

Mais haut les coeurs, restons optimiste, tout va bien pour Frank Miller qui en octobre dernier a testé sa cote auprès des collectionneurs en proposant une œuvre NFT, qui s’est vendue 840 986 dollars (et 16 cents), ainsi qu’une sculpture en cristal 3D de Marv, l’un des personnages de Sin City. Une oeuvre NFT à voir ici.

Une image de "I Love You, Nancy Callahan" clip court animé avec son de Frank Miller vendu comme NFT. Avec des dessins tirés de la série Sin City qui montrent les derniers instants entre le détective Hartigan et sa bien-aimée Nancy.
© Frank Miller Ink.

Miller qui, depuis, a aussi fondé sa propre maison d’édition, Frank Miller Presents, avec Dan DiDio, co-éditeur de DC Comics de 2010 à 2020 et Silenn Thomas, directeur général de Frank Miller Ink, la société qui gère le travail de l’auteur.

Structure dont le dessinateur au chapeau sera le président et rédacteur en chef pour superviser des projets créés par des auteurs établis ou en devenir, qui tournent créativement autour de l’esprit de ses œuvres : "Investir dans les auteurs et dans l’avenir de la bande dessinée a toujours été l’une de mes passions les plus sincères et une aspiration artistique", a déclaré Miller, "Dan, Silenn et moi n’aurions pas pu être plus fiers de cela en lançant Frank Miller Presents, qui sera un vivier de conteurs et de nouvelles créations. Le but de cette maison d’édition est de cultiver une compagnie de dessinateurs et de scénaristes pour diriger, collaborer, les faire avancer comme faire avancer aussi cette forme d’art elle-même."

L’objectif premier de FMP est de sortir ses premiers comics d’ici la fin de l’année, BD qui seront distribuées simultanément en version papier et au format numérique.

Logo de frank Miller Presents.
© frank Miller.

Haut les coeurs !, disions-nous : dans un monde désintéressé, sans troll mais pas sans humour, avec Frank Miller comme professeur de narration BD, qui dit mieux ?, tous les espoirs sont permis. Quand l’amour de la création, au dessus de toutes autres considérations, reste intact.

(par Pascal AGGABI)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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