Il est évident que ce genre de publication n’aurait pas eu lieu sans l’éditeur de Dupuis José-Louis Bocquet et son directeur éditorial Sergio Honorez. Amateurs de BD de la première heure, ils ont connu les grands anciens de l’âge d’or de Spirou, buvant des coups avec Franquin, Tillieux, Walthéry ou encore Morris et Peyo. Ayant coscénarisé Les Aventures d’Hergé avec Jean-Luc Fromental pour Stanislas (Ed. Dargaud), Bocquet s’est institué storyteller de la bande dessinée belge et avec les 75 ans de Spirou cette année, il ne boude pas son plaisir.
C’est pourquoi on n’est pas surpris de voir arriver au programme déjà chargé de Spirou 75 ans ! un petit album de reportage signé Nicoby & Joub en visite dans l’atelier de Jean-Claude Fournier. La première génération d’auteurs qui succéda à l’Olympe de l’école belge -celle des Franquin, Jijé, Peyo, Morris, Hergé, Jacobs...- avait comme bréviaire le petit livre jaune de Philippe Vandooren, "Comment on devient créateur de bande dessinée". La génération des années 2010 pourrait se rabattre sur celui-ci.
Cette bande dessinée raconte la rencontre entre les auteurs et Jean-Claude Fournier -70 ans dans quelques jours, un personnage rondouillard et sympathique à qui Dupuis confia un jour le soin de succéder à Franquin, alors que ce dernier vociférait : "- Ne l’acceptez pas, Fournier !"
Fournier raconte ses débuts, sa première rencontre un soir de dédicaces où le créateur de Gaston Lagaffe lui présente Peyo, Morris, Tillieux, Goscinny et... Adamo, rien que ça !
La sympathie généreuse de Franquin jamais chiche en coups de mains et en conseils ; la première création de Fournier : Bizu, univers riche de tendresse et de rêve ; son engagement dans Spirou ; son éviction au profit d’autres dessinateurs ; son travail pour la publicité et son retour dans Spirou avec de nouveaux personnages, les Crannibales ; Les Chevaux de vent... C’est toute la carrière d’un dessinateur qui défile, un homme sans vraiment d’ambition autre que celle de dessiner et dont la qualité première est son humanité, sa capacité à transmettre, en particulier à deux jeunes auteurs qu’il reçoit avec la même générosité que celle du grand André. La succession est assurée !
On prolongera la lecture de ce livre heureux avec celle du premier volume de l’intégrale Bizu, chez Dupuis également. Le Breton y fait ses premiers pas le nez collé sur les planches de Gaston Lagaffe et des Schtroumpfs. Fournier avait choisi de s’inscrire dans le sillon de ses aînés, de perpétuer le style original de l’École de Marcinelle.
Ce sont des gens comme lui qui la figent dans une manière qui sera combattue par les "révolutionnaires" des années 1980 dont l’opposition, entre déconstruction en reconstruction, n’est pas exempte d’un profond respect.
Nous sommes contents de le retrouver ici agrémenté d’une introduction truffée d’informations inédites signée Martin Zeller.
(par Didier Pasamonik (L’Agence BD))
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