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Denis Van P : "Graphiquement, j’aime ce paradoxe qui se créé lorsque un style caricatural sert un scénario très noir."

Par Christian MISSIA DIO le 2 août 2013                      Lien  
Toute vie vaut la peine d'être vécue. Celle de Joseph Carrey Merrick est certainement l'un des exemples les plus tragiques et romanesques que l'on puisse citer. Rejeté depuis sa plus tendre enfance, celui que le monde entier connait sous le sobriquet d'Elephant Man aura malgré lui marqué son époque. Déjà mis à l'honneur dans plusieurs ouvrages, ainsi qu'un film de David Lynch resté célèbre, cette BD biographique réalisée par Denis Van P. vient rappeler à notre bon souvenir cet homme que l'on croirait tout droit sorti d'un roman.
Denis Van P : "Graphiquement, j'aime ce paradoxe qui se créé lorsque un style caricatural sert un scénario très noir."
Joseph Carrey Merrick
Denis Van P. (c) Sandawe

Pourriez-vous vous présenter à nos internautes, svp ?
Denis Van P : J’ai 39 ans et mon parcours s’est construit pour l’essentiel en dehors de la BD puisque je travaille dans la finance, dans une grande banque bien connue... Mais la BD m’a toujours accompagné. Je dessine depuis que j’ai l’âge de sept ans. Malgré cette passion, j’ai de moi-même refusé de faire des études artistiques, alors que mes parents n’étaient pas contre.

Qu’est-ce qui vous a poussé à consacrer une BD à Joseph Carrey Merrick ?

J’ai été très marqué par le rejet dont a été victime Joseph Carrey Merrick. C’est une constante dans sa vie, qui était déjà très pénible du fait de sa maladie. Mais en plus de cela, il ne le méritait pas car d’après ce que l’on sait de lui, c’était une belle personne avec une belle âme. Sa souffrance à dû être énorme.

La narration de votre album est assez linéaire, au point que l’on a l’impression de lire une chronique.

C’était une volonté de ma part de raconter cette histoire chronologiquement car je voulais raconter la vie de Merrick telle qu’il l’avait probablement vécue lui-même. Toutefois, j’introduis l’histoire par le biais d’un Dr Treves vieilli et je termine l’album avec ce même médecin, âgé. C’est une manière de boucler la boucle.

Il y a une chose qui m’a fortement interpellé dans votre album c’est l’attachement qu’a Merrick pour sa mère, alors que dans votre BD, celle-ci le tolère à peine. Elle l’accepte malgré elle car c’est tout de même son enfant mais il n’y a absolument aucun acte d’affection de sa part envers lui. Je trouve que malgré ses manières rudes, son père l’a beaucoup plus "aimé" que sa mère.

Il est vrai que celle-ci a beaucoup de difficulté à lui exprimer son affection. Tandis que son père était souvent confronté au regard que les autres portaient sur sa difformité, ce qui le poussait à prendre régulièrement sa défense. Il était pris entre deux feux. Visiblement, Joseph Merrick avait une sorte d’idolâtrie pour les femmes, selon le Dr Treves, et cela s’est exprimé à travers cette affection assez forte pour sa mère. D’autant plus que, toujours selon le Dr Treves, Merrick ne parlait quasiment jamais de son père. Son père le poussait à plus s’affirmer, tandis que sa mère le contenait plus. J’ai donc extrapolé à partir des infos que j’avais à ma disposition pour écrire ce scénario.

Dans votre album, vous nous dépeignez un Joseph Merrick qui n’a aucune rancœur, ni vis-à-vis de ses parents, ni vis-à-vis de l’espèce humaine qui l’a le plus souvent humilié et rejeté. Votre personnage n’a aucun amour-propre.

Je crois que c’est parce qu’il a rarement eu ne fut-ce qu’un regard amical durant sa courte vie (il est mort à 28 ans). Je pense que Joseph Merrick avait mis son amour-propre de côté car cela ne devait pas signifier grand chose pour lui. Il était condamné à dépasser cette notion car il devait se penser à travers son physique, ce qui l’a poussé à ne pas avoir d’animosité. La seule fois ou j’ai perçu quelque chose s’apparentant à de l’animosité chez Merrick c’est lorsqu’il a assisté à une pièce de théâtre avec le Dr Treves. Dans l’une des scènes, un policier se fait rosser. Merrick a poussé un petit rire sardonique d’après le Dr Treves. Ce médecin en a conclu que Merrick avait dû en prendre plein la gueule de la part des flics car il était souvent accusé par eux d’être un fauteur de troubles. À part cela, Merrick était une sorte de candide. Il était assez pur et vierge de toute animosité, mais il était une sorte de catalyseur de la méchanceté de son environnement.

Graphiquement, vous avez opté pour un style caricatural. Pourquoi ?

Je dessine volontairement dans un style semi-humoristique ou humoristique car j’ai toujours pensé que cela rendait mieux les émotions qu’un style réaliste. Je me considère comme étant un disciple de Franquin et de l’école de Marcinelle et à ce propos, j’ai beaucoup aimé la série Soda, surtout les albums dessinés par Luc Warnant, qui m’a beaucoup inspiré. Je citerais aussi Théodore Poussin de Frank Le Gall. Dans les deux cas, que ce soit Soda (surtout dans le premier album) ou Théodore Poussin, on a affaire à des personnages qui subissent l’action et les évènements. J’aime ce paradoxe entre un style caricatural et un scénario très noir. Dans le cas de Soda, je pense que la dernière scène d’ Un Ange trépasse, où l’on voit le héros sortir avec l’infirmière, morte, dans les bras, est une séquence beaucoup plus puissante que si elle avait été dessinée dans un style réaliste.

Quels sont vos prochains projets ?

Je travaille actuellement sur une BD, un drame contemporain, qui aura pour point de départ une disparition, qui me servira par la suite à dépeindre les relations entre différentes générations d’individus issu d’une même famille.

Voir en ligne : Denis Van P. sur le site de Sandawe

(par Christian MISSIA DIO)

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