Des femmes et des villes : l’actualité des éditions Petit à Petit

Spécialisées dans le Docu-BD, avec de franches réussites comme la Revue Soif ! ou les histoires de villes en bande dessinée, les éditions Petit à Petit ont également investi le domaine des guides touristiques, d’une part, des biographies historiques, d’autre part, toujours selon ce même principe du docu-BD, en alternant 3 à 5 pages de bande dessinée puis 2 à 3 pages de documentaire, selon une approche à la fois ludique et instructive.

Découvrir Tokyo en docu-BD

Après avoir publié des guides de la Corse, des Châteaux de la Loire, de Paris ou encore de Nantes en bande dessinée, les éditions Petit à Petit ont décidé de vous faire voyager encore plus loin en proposant un manga de découverte de Tokyo, conjuguant récits dessinés et pages documentaires pour offrir à tous les clés permettant de comprendre la capitale japonaise, au cœur de l’actualité olympique.

À l’exception du scénariste Jean-David Morvan, fin connaisseur du Japon où il vécut et qui scénarisa une version manga de Spirou, tous les auteurs de ce volume sont Japonais (avec quelques noms bien connus en France, comme ceux de Takahama Kan ou de Takizawa Seiho), ces 16 mangakas (8 hommes et 8 femmes) apportant ainsi à la fois leurs connaissances et leurs techniques à ce volume original.

30 chapitres présentent les 30 quartiers de Tokyo, soit par le prisme d’un épisode historique, soit par celui d’anecdotes plus récentes, avec humour et pédagogie, tandis que les pages documentaires nous donnent des informations aussi concrètes que diverses, de l’histoire de bâtiments à celle de spécialités culinaires, en passant par les arts martiaux.

Ce premier manga de découverte du Japon publié en langue française ravira tous ceux désirant connaître un peu mieux cette culture fascinante, et ces conseils pratiques, cartes, adresses, astuces seront utiles à tous les voyageurs quand il sera de nouveau permis de se rendre au pays du Soleil Levant.

Ces femmes qui ont fait l’Histoire

Bien loin du Tokyo d’aujourd’hui, deux autres publications nous permettent de découvrir deux femmes qui ont fait l’histoire de France. Si la première, Jeanne d’Arc, est connue de tous, tel n’est pas le cas de Sophie Germain, qui fut, au début du XIXe siècle, l’une des premières mathématiciennes françaises.

Saluons l’audace des éditions Petit à Petit de consacrer un album entier à cette pionnière des sciences au féminin, encore trop peu connue du grand public. Dix chapitres, rédigés par des spécialistes en mathématiques ou en histoire des sciences, décrivent le parcours de cette femme dont le père prit une part active à la Révolution française et qui, au milieu de l’agitation révolutionnaire, découvrit dans la bibliothèque familiale des traités de mathématiques qui constituèrent pour elle un choc intellectuel majeur. Si le siècle des Lumières avait prôné un renouveau des sciences et la fin des inégalités sociales, ces progrès devaient néanmoins rester l’apanage de la gent masculine : l’École polytechnique était ainsi inaccessible aux femmes, et Sophie Germain dut emprunter le nom d’un étudiant masculin pour pouvoir suivre, à distance, différents cours et se former aux mathématiques.

Correspondant avec quelques-uns des plus grands mathématiciens de son temps, elle réussit, grâce à ses travaux sur la forme des surfaces, à obtenir un prix à l’Académie des sciences en 1816 (sans avoir pour autant le droit d’assister aux séances de l’Académie, privilège réservé aux femmes des membres). Mais ce coup d’éclat ne fut pas renouvelé, les sociétés savantes de l’époque n’étant, à l’image de la société dans son ensemble, pas encore prêtes à considérer des femmes pour leur savoir au-delà des questions de genre.

Cet album, extrêmement pédagogique, bien construit, fluide et aux dessins très clairs d’Adriana Filippini, sur un scénario d’Elena Tartaglini, permet de rendre justice au courage et à l’audace de cette femme de l’ombre dont les travaux sur les nombres premiers ont fait date.

Autre temps, autres mœurs, avec un album consacré à Jeanne d’Arc. Céka, au scénario et Béatrice Merdrignac, à la documentation, arrivent à construire un récit cohérent à partir d’une suite d’épisodes de la vie de la pucelle d’Orléans, que l’on suit de ville en ville, de Loches à Chinon, de Domrémy à Poitiers.

Chaque épisode est problématisé et l’approche historique est très intéressante et surtout très pédagogique : Jeanne était-elle une pauvre bergère ? Sa rencontre avec Charles VII à Chinon relevait-elle du hasard ou de la planification politique ? Était-elle une prophétesse ou une sorcière ? D’où peut provenir son épée réputée sacrée ? Était-elle une fine stratège ou une heureuse chanceuse ? Le roi souhaitait-il sa réussite ? Fut-elle une pièce maîtresse de ces conflits royaux ou un simple pion manipulé ? Après son arrestation par les Anglais, essaya-t-elle de s’évader ou de se suicider en sautant d’une tour du château de Beaulieu-les-Fontaines ?

Le choix d’épisodes précis permet de fluidifier le récit, de dynamiser la narration et rend l’ensemble tout à fait agréable à lire, d’autant qu’il faut souligner la franche réussite graphique de cet album dessiné par Léo Chérel. L’ensemble est exemplaire de ce que peut apporter le docu-BD, en cantonnant la partie pédagogique aux trois pages de documentaire et en permettant aux cinq pages de bande dessinée d’être distrayantes et émouvantes, l’ensemble se complétant parfaitement. Voici clairement l’une des plus belles réussites du genre et l’un des meilleurs albums publiés par les éditions Petit à Petit.