Ce sera le trophée que tout Paris lui enviera : Pierre Delaunay, naturaliste en quête de gloriole scientifique, emporte Éloi, jeune néo-calédonien, à bord de La Renommée, une frégate française. Entre les regards haineux, les moqueries et une curiosité malsaine, l’adolescent serre les dents, et prend sa part de tâche sur le pont, au milieu des matelots. Si les petits chefs cherchent l’humiliation pure et simple, débordant de racisme viscéral, le prêtre de l’expédition croit le convertir au christianisme. Le capitaine ronge son frein, tourmenté par le tracas que cette présence amène, tout autant que sceptique sur les motivations de Delaunay. En attendant, le climat sur le bateau devient détestable, et Éloi ne se laisse pas faire. Le drame inévitable se rapproche ...
On imagine que des voyages de la sorte, bien des pays dits civilisés en ont organisé. La science et la religion des peuples d’élite, prétendant rayonner partout dans le monde. La grande réussite de Younn Locard et Florent Grouazel réside dans les joutes acerbes au sein de l’équipage. Chacun se mure dans ses principes, prêt à défendre son petit territoire moral à tout prix. Entre nuit et jour, calme et tempête, les dégradés de Grouazel entretiennent une belle dynamique scénaristique. Son dessin garde des bases classiques en ajoutant le réalisme impressionniste d’un Rabaté. Cette maîtrise graphique habille à merveille le propos sarcastique du récit, qui donne autant à réfléchir qu’à s’émouvoir.
(par David TAUGIS)
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