Incroyable touche à tout d’une certaine bande dessinée « méditerranéenne », José Jover a pratiquement tout fait, tout essayé : auteur, scénariste, formateur, éditeur… il est à lui tout seul une synthèse des courants (et aussi parfois des utopies !) qui ont traversé la bédéphilie des années 1970 à nos jours.
Fondateur de Tartamudo, petite maison spécialisée à l’origine dans l’édition de bande dessinée et de littérature de jeunesse, José Jover affiche à son catalogue éclectique des auteurs aussi différents que Pef, Farid Boudjellal, Maurice Rajsfus (scénariste de Moussa et David, l’un des plus beaux succès de l’éditeur), Baudouin ou le regretté Ruben Sosa dont It-Alien a connu un succès critique non négligeable. La mort de cet ami de José Munoz (auteur d’une belle préface !) ayant interrompu brutalement (pour l’instant) une de ses meilleures productions.
Si l’existence de sa maison et de ses choix éditoriaux est intimement liée à son histoire personnelle, José Jover n’hésite pas pour autant à publier de jeunes auteurs et à les accompagner dans leur démarche. Une de ses raisons d’être à Angoulême en janvier dernier, c’était justement de promouvoir l’album Terre de son nom dessiné par Mathieu Trabut en liste pour le prix Tournesol [1] et…arrivé troisième sur le podium derrière Auto bio de Cyril Pedrosa (Audie-Fluide Glacial).
Tout en ayant du mal à cacher sa déception, l’homme n’en est pas moins généreusement bavard, enthousiaste, et plein de projets qui annoncent un recentrage sur la bande dessinée. Délaissant l’édition de littérature jeunesse (il a notamment publié Pef, et Gudule) ; et après avoir transformé considérablement « relooké » son site internet, l’homme cherche à orienter son activité vers la promotion et la publication de jeunes auteurs dont c’est souvent le premier album. Démarche courageuse mais qui ne va pas sans risque pour un éditeur qui, s’il ne reste pas confidentiel, ne parvient pas toujours (ou difficilement) à l’équilibre financier.
La vie de petit éditeur n’est donc pas de tout repos, ce qui explique « l’hyperactivité » de notre sympathique méridional. Ainsi, depuis 1985, anime-t-il des ateliers d’initiation à la narration par la BD, des interventions en direction de publics variés, comme par exemple des prisonniers à Fleury-Mérogis (avec le concours de la Croix Rouge Française), des toxicomanes adultes en hôpital de jour ou des enfants, des ados ou encore de jeunes adultes, en bibliothèque et médiathèque. Ces ateliers permettent d’éditer avec les institutions partenaires des revues ou des albums inédits, grâce aux revenus financiers de ces opérations.
Aujourd’hui encore, entouré d’une bonne poignée de jeunes auteurs, José Jover s’efforce de diversifier son catalogue en proposant aussi bien de l’Heroïc Fantasy avec le troublant Miroir des templiers de El Tabanas, ou des séries plus traditionnelles comme Lost Conquistadores de Dahmani et Cordoba.
Toutefois l’homme reste attaché à certaines valeurs humaines dont son catalogue rend assez bien compte : éloge de la différence et de la tolérance, respect de la diversité, éveil au monde et citoyenneté chaleureuse et généreuse. Présent sur de nombreux festivals, le « petit » éditeur » voit dans le développement des nouveaux moyens de communication de sérieuses opportunités pour percer un marché difficile et encombré. C’est ainsi que, depuis peu, ses productions sont disponibles sur le site lekiosque.fr , contournant ainsi les difficultés de diffusion que connaissent des éditeurs de sa taille.
Cet ami d’enfance de Farid Boudjellal (les Slimani) a toujours en réserve quelques projets imprégnés d’une dimension civique « bigarrée ». À la prochaine rentrée, il s’apprête ainsi à publier « le petit Maurice dans la tourmente », un album plus ou moins autobiographique scénarisé par Maurice Rajsfus dont le rôle de la police française sous l’occupation sert de toile de fond. Sujet pas très commercial mais qui manifestement tient beaucoup à cœur à cet éditeur militant-citoyen infatigable.
Pas de doute, José Jover, n’a pas lui non plus dit son dernier mot !
(par Patrice Gentilhomme)
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Photos : © josé jover et éditions Tartamudo
En médaillon : José Jover. Photo : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Le site des éditions Tartamudo
[1] décerné à un album défendant les valeurs écologistes.
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