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La Bouchère au bûcher - Jeanne Puchol - Editions de l’An 2

Par Nicolas Fréret le 25 avril 2004                      Lien  
Suite et fausse fin de «Haro sur la bouchère». Les pérégrinations de l'héroïne déguisée en gentilhomme et ses investigations pour retrouver son compagnon à quatre pattes la mènent en plein de cœur d'un monastère. Entre fable philosophique et farce poétique. Un brin lourdingue !

Quel spectacle désolant que cet immense charnier animal ! Ces proies sacrifiées à titre préventif. Pour ces cinq fauves observateurs, narrateurs actifs des aventures de la bouchère, la redoutable Inquisition aura bientôt raison de leur insatiable appétit. Le récit reprend son cours tranquillement, peu après le réveil de nos personnages principaux. Escorté de près, l’évêque de Torsedillas fait route à destination du monastère de Padre Pépino, prévenu à la hâte par ses angelots. Rien d’officiel. Il est en ballade nocturne, palliatif à sa soi-disant insomnie chronique. Mais secrètement, l’ecclésiaste recherche son souffleur religieux, Bicho, poney miniature, latiniste, spécialiste incollable de la Bible. Bicho, l’ami précieux de l’héroïne aux couteaux tranchants, qui va, elle aussi parvenir à pénétrer dans l’antre de moines shaolins version catholique pour l’aider à recouvrer sa liberté. Pendant ce temps là, moutons, veaux, vaches, cochons partent en fumée, et la tension monte parmi les artisans qui n’ont plus de travail.

Nous sommes au XVIème siècle en Espagne, l’Inquisition fait rage et brûle à tout va sous les prétextes les plus absurdes. Un temps révolu revenu à la mémoire de Jeanne Puchol lorsqu’a éclaté l’épizootie de fièvre aphteuse au printemps 2001, lorsque les animaux sont devenus des parias. Consciente du potentiel satirique d’un tel parallèle, elle a construit un double album délirant, empreint d’anachronismes judicieux. Le coup de la manifestation intersyndicale en gestation prête franchement à sourire. Mais c’est le cadre historique qui donne à l’œuvre une distance, une consistance, une prestance. L’Inquisition a rongé l’Europe mais c’est en Espagne et plus spécifiquement à Tordesillas qu’a été signée en 1494 la séparation du monde en deux, d’un côté la patrie de Christophe Colomb, de l’autre, celle du roi du Portugal. En toile de fond, les affres d’une mondialisation sauvage, où les puissants dominent et décident à leur bon gré, sans se préoccuper des petites gens. On conclut rapidement à l’anticléricalisme de l’auteur qui dans sa foulée dénonciatrice, dessine des religieux vils et stupides au discours asservissant dénués de pragmatisme et d’abnégation.

« La Bouchère au bûcher » est plein de bonnes intentions subversives théâtralisées à outrance. Le burlesque se dispute à l’ironie stylée, littéraire. Les dialogues sont très écrits. Le dessin noir & blanc est classique, un peu statique. Le tout chapoté par un inébranlable surréalisme poétique. Seulement, à trop pousser, on trébuche. Trop c’est trop, on étouffe ! Attendons la suite, car le diptyque théorique se termine en promesse de retrouvailles.

(par Nicolas Fréret)

Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.

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