Avec quel objectif ? « La refondation de la politique nationale en faveur de la bande dessinée. »
Effectivement, il y a urgence. D’un côté, on nous rappelle que la bande dessinée est « une pratique culturelle majeure » représentant 10% du chiffre d’affaires de l’adition, une activité qui a connu une hausse record en 2017, mais, de l’autre, de plus en plus d’auteurs se plaignent d’une paupérisation du métier.
« Alors qu’elle a connu un nouvel essor, les politiques publiques ont manqué d’une nouvelle ambition. La vitalité et l’importance de ce secteur justifient sa reconnaissance pleine et entière dans le cadre d’une politique publique d’ensemble… » dit le communiqué de la ministre.
La mission porterait sur une réflexion sur les politiques en faveur de la bande dessinée ; la préservation du patrimoine de ce secteur et la régulation du marché de l’art ; l’exposition et la diffusion publique de la bande dessinée dans les territoires et à Paris ; son apport à l’éducation artistique et culturelle ; la formation des auteurs, les différents secteurs de l’image où ils peuvent s’insérer, l’accompagnement de leur carrière par les différentes aides publiques...
« La mission, qui sera menée en concertation avec l’ensemble des acteurs concernés, vise donc à proposer des orientations stratégiques et concrètes sur ces axes, de nature à structurer l’action des acteurs publics à l’égard de la bande dessinée. » La remise du rapport de cette mission est attendue pour le mois de septembre 2018.
Quel statut pour les auteurs ?
Celui qui porterait cette mission est ni plus ni moins que Pierre Lungheretti, le DG du CNBDI, ancien directeur de cabinet de Frédéric Mitterand, ancien adjoint au directeur général de la création artistique puis directeur régional des affaires culturelles de Poitou-Charentes.
Les propos très généraux de la ministre ne précisent pas les enjeux concrets d’une telle mission. Sans doute attend-on de Pierre Lungheretti de trouver des solutions miracles sachant la difficulté de bon nombre d’auteurs dans la situation actuelle où le dynamisme du marché est drivé par une multiplication de titres qui en réduit la rentabilité et par conséquent la rémunération des auteurs.
Des gestes ont été faits, notamment par Vincent Monadé du Centre National du Livre (CNL) qui distribue des aides à la création et conditionne ses subsides aux festivals à une rémunération des auteurs qui participent aux conférences. Mais cela a eu pour effet à Angoulême de réduire le nombre des rencontres et cela ne rémunère toujours pas les heures passées par les auteurs à signer les ouvrages. Mais, parallèlement, les cotisations retraites et la CSG ont été augmentées, ce qui affecte les plus pauvres des créateurs. Pierre Lungheretti ne pourra pas éluder cette question.
Quel futur pour la bande dessinée ?
Par ailleurs, des signes avant-coureurs montrent que les acteurs locaux d’Angoulême commencent à prendre conscience du rôle que peut jouer cette ville dans le paysage de la bande dessinée mondiale au XXIe siècle en fonction des enjeux (mondialisation, passage au numérique, développement exponentiel d’Amazon…) qui seront les siens.
Ainsi, le président du Grand Angoulême, M. Jean-François Dauré, souligna-t-il dans son discours au moment de l’ouverture officielle du FIBD mercredi dernier qu’« Au moment où la civilisation du papier est en déclin au profit de celle de l’écran, la bande dessinée fait figure de trait d’union entre l’imprimé et le digital. »
« C’est un art qui, par sa forme, peut pleinement profiter de la révolution numérique » dit-il, mais il ajoute : « Des mutations et des défis sont à relever, évidemment, dont le plus prioritaire, est celui d’un statut pour les auteurs dont 36% vivent sous le seuil de pauvreté. Ces avancées sociales sont nécessaires pour permettre aux artistes de pouvoir continuer à travailler et à faire émerger de nouveaux modes narratifs, de nouvelles grammaires visuelles permettant à la bande dessinée de devenir un art populaire par excellence, qui se lira sur smartphone, dans les transports en commun, sur son canapé, en réunion, en tout lieu, à tout âge, à toute heure comme a pu l’être le Manga au Japon. Nous devons être les principaux acteurs de cette révolution. »
D’où une réflexion nécessaire sur les filières professionnelles, les formations, les financements publics et privés qui permettent d’offrir de bonnes conditions à l’éclosion de « nouvelles formes artistiques augmentées par le multimédia, tout en créant les conditions pour exporter massivement nos productions à l’étranger. »
Jamais, à notre connaissance, les ambitions politiques d’Angoulême n’avaient porté si loin.
(par Didier Pasamonik - L’Agence BD)
Cet article reste la propriété de son auteur et ne peut être reproduit sans son autorisation.
Photos : D. Pasamonik (L’Agence BD)
Participez à la discussion